|
![]() |
|
Alors que Hedi Slimane relance la question de la propriété intellectuelle dans la photo de mode, les récentes campagnes des maisons de luxe démontrent à quel point l’identité visuelle est un fondement de la communication dans le luxe. Car en cette rentrée 2025, il ne s’agit pas seulement de collaborer avec des photographes reconnus. Mais les maisons parient plutôt sur un regard. Un style singulier. Et une vision qui soulève ouvertement la question du lien entre vêtement, identité de l’individu et savoir-faire de la maison. Ainsi Givenchy, Ferragamo et Loewe ont choisi de faire confiance à des photographes spécialisés dans le portrait. Et chacun des trois se prête au jeu de l’équilibre entre art et mode, le temps d’un shooting.
Collier Schorr passe devant l’objectif pour Givenchy
Collier Schorr a choisi de se placer elle-même dans le cadre, aux côtés du mannequin. Et ce choix étonnant en dit long sur la nature de la nouvelle campagne Givenchy 2025.
La photographe américaine est connue pour ses portraits qui interrogent les notions de genre, d’identité et d’intimité. Sarah Burton, la directrice artistique de Givenchy, lui a fait confiance pour introduire une dimension réflexive dans la campagne. Qui regarde qui ? Qui incarne la maison Givenchy ?
En privilégiant le noir et blanc, Collier Schorr s’éloigne du discours de séduction qu’on associe traditionnellement aux campagnes du luxe. Et elle réussit à inscrire la maison française dans un registre plus conceptuel. Ce choix révèle un double enjeu intéressant. D’abord, il s’agit de réaffirmer l’héritage créatif de Givenchy, une maison d’élégance qui sait aussi, parfois, manier la subversion. Mais il s’agit aussi de capter l’attention d’un public lassé des images trop lisses.
L’apparition de la photographe dans ses propres clichés brouille les frontières entre auteur et sujet. Et la campagne réussit à repositionner Givenchy dans un dialogue plus intellectuel avec son audience. Un pari risqué. Mais qui témoigne d’une volonté d’élever le discours visuel de la maison à hauteur d’un véritable manifeste artistique.
Ferragamo sous l’œil de Craig McDean
À première vue, confier une campagne célébrant l’héritage italien de Ferragamo à un photographe britannique peut sembler paradoxal. Pourtant, ce choix souligne la manière dont les maisons réinterprètent leur identité culturelle à travers un regard extérieur. Craig McDean est connu pour sa capacité à capter la modernité du portrait. Mais aussi pour son travail de réalisateur. Et c’est cette double expérience, photographe et cinéaste, qu’il apporte à Ferragamo pour offrir une lecture distanciée mais hautement cinématographique de l’ADN de la maison.
La campagne Ferragamo 2025 met en scène Maria Carla Boscono. La top-model italienne est l’héroïne d’un récit visuel qui s’inscrit dans une esthétique référence à l’âge d’or du cinéma italien. Mais ce n’est pas qu’un simple exercice de nostalgie. McDean relie le savoir-faire artisanal (symbolisé par l’iconique sac Ferragamo) à une narration qui embrasse l’héritage culturel italien d’une manière bien plus vaste. Le résultat ? Une campagne aux accents italiens indéniables, qui revendique les racines esthétiques de Ferragamo, mais qui évite l’écueil d’un folklore trop littéral.
Arnaud Lajeunie pour Loewe : créativité et audace
Chez Loewe, le dialogue entre mode et arts plastique s’est imposé depuis longtemps. Et confier la nouvelle campagne de rentrée à Arnaud Lajeunie relevait finalement de l’évidence. Car le photographe français aime explorer la matérialité, les couleurs franches et l’étrangeté du corps. Autant d’éléments visuels qui rendaient sa rencontre avec la maison espagnole pour ainsi dire inévitable. Ainsi, la campagne Loewe 2025 s’inscrit dans une belle continuité, qui n’est pas sans rappeler le travail initié par Jonathan Anderson, qui aimait convoquer l’histoire de l’art pour mieux bousculer les codes de la mode.
Cette campagne s’inspire du travail textile d’Anni et Josef Albers. Et elle propose une lecture à la fois très tactile et conceptuelle du vêtement. Le regard de Lajeunie s’arrête notamment sur l’appréciation des volumes, des matières et des contrastes de couleurs, qui sont la signature de Loewe. Et pour Loewe, le choix du photographe français en dit long sur les ambitions intactes de la maison, malgré le départ d’Anderson pour Dior, de garder son statut de maison laboratoire. Cette nouvelle campagne reflète la vision portée par la marque espagnole : une mode ludique, dont le travail sensoriel se prolonge dans une réflexion singulière autour du design dans la couture actuelle.
À lire aussi :