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Ce week-end, l’univers du luxe a été secoué par un micro séisme. Hedi Slimane, l’ancien directeur artistique de la maison Celine, a rompu son silence habituel. Et il a publié un post sur Instagram le samedi 6 septembre. En cause ? La question du « renouveau photographique » de la maison parisienne. Car le styliste et photographe n’a pas manqué d’observer la sortie de la nouvelle campagne de Celine pour la rentrée 2025. Une campagne dans laquelle on reconnait fortement le style immédiatement reconnaissable d’Hedi Slimane. Quelle est la frontière entre l’hommage et le plagiat ? Dans l’univers de la mode, régi par un contrôle très stricte de la propriété intellectuelle, cette frontière pose désormais question.
Le parcours singulier d’un créateur-photographe
Dans l’histoire de la mode, rares sont les directeurs artistiques qui se sont aussi emparés de l’appareil photo pour signer les campagnes de leurs propres collections. On pense évidemment à Karl Lagerfeld, qui imposa ce modèle. Mais c’est surtout Hedi Slimane qui l’a systématisé au gré des différentes maisons pour lesquelles il a travaillé.
Cette double casquette est devenue sa marque de fabrique. Et elle a façonné son parcours créatif singulier. Chez Slimane, il n’y a pas de séparation entre le vêtement et l’image. Car la coupe, la silhouette, l’attitude et le cadrage relèvent du même langage visuel immédiatement reconnaissable. Noir et blanc contrastés, atmosphère nocturne, visages saisis dans un réalisme quasi documentaire. Cette grammaire photographique est devenue indissociable de son vestiaire.
Et c’est précisément ce qui rend l’actuelle situation entre Hedi Slimane et la maison Celine si délicate. Car quand une marque continue de puiser dans cet héritage visuel après le départ du créateur, elle ne recycle pas seulement des codes esthétiques. Elle prolonge un regard photographique qui, par définition, appartient à une sensibilité personnelle.
La maison Celine et la question de l’héritage Hedi Slimane
Dans l’industrie de la mode, les contrats des directeurs artistiques encadrent strictement la question de la propriété intellectuelle. Les croquis, les silhouettes, les logos et autres détails de la collection sont juridiquement protégés au bénéfice de la maison. Et bien qu’aucune information officielle ne circule, on peut raisonnablement supposer que les photographies d’Hedi Slimane chez Celine ont aussi fait l’objet de clauses spéciales. Une disposition qui serait logique, tant son apport visuel dépasse le simple cadre d’une campagne publicitaire.
Mais la question demeure : un créateur peut-il se protéger contre sa propre maison ? La problématique pose d’autant plus question vu le contexte actuel de l’industrie du luxe. Car les maisons ont pris l’habitude de revisiter presque systématiquement leurs propres archives. Cette pratique est devenue un standard. Et elle s’explique facilement. Les directeurs artistiques se succèdent à un rythme parfois vertigineux. Et les maisons doivent garantir une homogénéité visuelle pour ne pas perdre leurs clientes. La fidélité à la marque se nourrit donc de cette continuité un peu artificielle.
Dans le cas présent, l’équilibre semble précaire. Et quand une campagne repose autant sur des codes hérités que sur la reproduction du regard d’un photographe, le doute est permis. Car l’hommage peut vite se transformer en une forme d’appropriation. Ainsi, la nouvelle campagne Celine ravira certainement les fidèles clientes de la maison. Mais reprend-elle l’héritage visuel de Slimane d’une façon trop littérale ?
Défendre la singularité du regard : la mode doit rester un art
La prise de parole d’Hedi Slimane est rare. Et elle doit être prise au sérieux. Car derrière un texte courtois qui rappelle l’attachement du styliste à son ancienne maison, il y a bien l’évocation d’une dérive. Son message insiste sur un point fondamental : le travail du photographe n’est pas un simple outil de communication. Mais il s’agit bel et bien d’un acte de création à part entière. Une maison peut revendiquer ses archives et ses codes. Mais elle n’a pas pour autant intérêt à répliquer la sensibilité personnelle d’un créateur, qu’il soit styliste ou photographe.
Hedi Slimane rappelle l’importance de laisser chaque nouvelle équipe créative développer son propre univers. Et en cela, il défend ouvertement une vision artistique de la mode. Une vision qui s’oppose à toute forme d’opportunisme économique. Celui qui pousse certaines maisons à privilégier l’efficacité commerciale immédiate au détriment du respect du travail des créateurs.
Et ce débat intervient justement à un moment où le secteur est confronté à une véritable « luxe fatigue ». Homogénéisation des images, multiplication des campagnes interchangeables, manque cruel de renouvellement créatif. Depuis le début d’année 2025, les observateurs ont largement eu l’occasion de partager ces critiques. Le post d’Hedi Slimane résonne donc comme un rappel à l’ordre. La mode ne se nourrit pas seulement de silhouettes et de logos. Mais aussi du regard singulier de ceux qui la racontent en image. Et en cela, elle doit demeurer un terrain d’expression artistique à part entière.
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