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La Fashion Week parisienne de la semaine dernière a marqué un tournant pour les maisons françaises. En effet, elles ont nombreuses à réinvestir la couture comme véritable vecteur de légitimité et de storytelling. Cette décision s’inscrit dans un contexte où le marché du luxe a trop souvent tendance à privilégier la visibilité immédiate à l’authenticité patrimoniale. Alors les maisons françaises consolident leur singularité sur le marché mondial. Et pour cela, plusieurs créateurs ont décidé de remettre l’atelier au centre de leur travail. Il ne s’agit pas d’une simple démarche esthétique. Mais plutôt d’une stratégie bien pensée pour renforcer le lien émotionnel avec la clientèle grâce au savoir-faire. Tour d’horizon avec quatre créateurs qui ont misé sur ce retour aux fondamentaux de la couture.
Sarah Burton chez Givenchy : l’héritage comme moteur de modernité
Sarah Burton poursuit son chemin chez Givenchy. Et sa deuxième collection à la tête de la maison parisienne conjuguait rigueur couture et liberté créative. Dans le détail, la créatrice britannique a voulu retravailler les lignes sculpturales mais pas théâtralisées, qui avaient fait le succès d’Hubert de Givenchy. Une couture exigeante, mais pas cérébrale. Et la précision des coupes, notamment avec les vestes et chemisiers taillés grand ouverts au niveau du cou, mettent à l’honneur le savoir-faire de la maison.
La directrice artistique se nourrit aussi de ses années chez Alexander McQueen. Et elle ne s’interdit pas quelques silhouettes plus originales, qui viennent bousculer les codes traditionnels de Givenchy. Un body se retrouve ainsi complété par des manches oversize. Et c’est bien la maîtrise technique des ateliers qui assure la cohérence entre les différentes silhouettes. Une maîtrise réinterprétée pour séduire un public contemporain.
Pier Paolo Piccioli chez Balenciaga : l’épure retrouvée
Impossible de tirer un trait d’union entre l’ère classique et les années Demna. Alors Pier Paolo Piccioli, nouvellement nommé à la tête de Balenciaga, a dû faire un choix. Le nouveau directeur artistique a ainsi recentré la maison sur l’essence de Cristobal Balenciaga. Non sans un certain art de l’épure.
Les silhouettes, aux proportions millimétrées, renouent avec le style architectural typique de Balenciaga. Et la couture est ici dépouillée de tout artifice. Pas de trompe l’œil. Aucun clin d’œil pop culture. Et un refus total de toute forme de provocation.
Les robes Sack et Baby Doll retrouvent leurs formes originelles. Seule concession à la modernité : des touches de couleurs franches, qui démontrent qu’une maison peut renouer avec son héritage sans tomber dans la nostalgie. Piccioli défend une couture faite de précision plutôt que de spectaculaire.
Haider Ackermann chez Tom Ford : la couture au service de l’émotion
Tom Ford a bâti une maison sur les fondements d’une couture sensuelle, provocante et sulfureuse. Tout se joue à la limite de ce que l’on dévoile et de ce que l’on choisit de cacher. La mission d’Haider Ackermann pour sa première collection à la tête de la maison était donc complexe. Dans un monde saturé d’images sexualisées outrancières, comment retrouver la juste dose de sensualité ?
Pour parvenir à une réponse, le couturier français a pu se reposer sur la technique. Il définit l’élégance contemporaines avec des tailleurs parfaitement ajustés, des robes fluides maîtrisées et des trenchs dont les lignes droites viennent, paradoxalement, flatter les mouvements du corps féminin. Le contraste en les volumes et les matières précieuses crée un vestiaire narratif, où chaque pièce raconte un geste de l’atelier.
Ultime démonstration de force : une robe de soirée au bleu vibrant, qui tient comme en équilibre sur les épaules dénudées. L’affirmation d’un luxe qui retrouve sa dimension tactile et résolument émotionnelle.
Peter Copping chez Lanvin : la couture pour réaffirmer l’identité
Pour cette Fashion Week, Lanvin tentait un retour aux fondamentaux avec des silhouettes structurées et des monochromes puissants. Une équation délicate pour Peter Copping, à la tête de la plus ancienne maison parisienne encore en activité. Car Lanvin ne fait plus jeu égal avec les poids lourds que sont Chanel, Dior ou Saint Laurent. Elle peine aussi à capter l’attention face à Vuitton et Hermès, des maisons de maroquinerie qui ont réussi à construire une authentique légitimité sur le segment du vêtement.
La solution ? Revenir à l’héritage couture de Jeanne Lanvin. Peter Copping déploie donc l’art de la silhouette fluide, du travail sur les proportions, et bien sûr l’expertise Lanvin sur le drapé et les plissés. Sous sa main, la couture n’a rien d’ornemental. Elle sert à réinscrire Lanvin dans le cercle des maisons patrimoniales. Celle dont le savoir-faire a déjà traversé le temps. Et n’entend pas disparaître, même dans le marché ultra-compétitif actuel.
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