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L’arrivée de la géniale styliste britannique Phoebe Philo à la tête de Céline en 2008 s’était accompagnée d’un renouveau de la marque, propriété du groupe LVMH : image plus pointue (grâce à la définition d’un minimalisme luxueux et aux photographies de Juergen Teller) et développement des ventes (en l’espace de dix ans, celles-ci seraient passées de 200 millions d’euros à 700 millions d’euros). Une réussite saluée par Bernard Arnault lui-même : « Phoebe a écrit, ces dix dernières années, un chapitre clef de l’histoire de Céline. Nous lui sommes très reconnaissants d’avoir contribué au grand essor de cette Maison.»
Aussi l’annonce de son départ, en décembre 2017, avait-elle immédiatement été suivie d’une question : qui pourrait bien la remplacer ? Pour une maison en pleine expansion comme Céline, la question était d’importance. On sait qu’un changement brutal de style et d’orientation peut entraîner la perte d’une clientèle fidèle, sans qu’on ait toujours l’assurance d’en conquérir une nouvelle.
Cette délicate question de la succession de Phoebe Philo vient d’être tranchée par Bernard Arnault qui a annoncé via un communiqué de presse l’avènement d’Hedi Slimane comme directeur de la création et de l’image de Céline.
Cette annonce a pu surprendre, Hedi Slimane ayant souvent affirmé qu’il ne se consacrerait plus qu’à la photographie. Sans doute le groupe LVMH a-t-il trouvé des arguments propres à le faire changer d’avis. Mais s’il s’est donné cette peine, remportant au passage une manche dans le grand mercato des talents, c’est que le choix d’Hedi Slimane était un choix logique.
D’abord, ne pouvait succéder à Phoebe Philo qu’un styliste aussi respecté et talentueux qu’elle. Ils sont peu nombreux, mais Hedi Slimane est de ceux-là. N’est-il pas un des rares créateurs à avoir durablement marqué la mode, en dépit de sa nature éphémère ? C’est chez Dior Homme (groupe LVMH) qu’il a créé la silhouette des années 2000 : skinny, androgyne et rock, inspirée par le Londres et le Berlin des années 80. Ses jeans slim, ses vestes courtes et ajustées, ses cravates fines ont été copiées au point de devenir les standards d’aujourd’hui.
Ensuite, il fallait un styliste capable de prolonger la croissance de Céline. Or Hedi Slimane a montré par le passé qu’il était un grand créateur en même temps qu’un créateur rentable, lui qui a ressuscité Saint Laurent (groupe Kering), dont il a été le directeur artistique de 2012 à 2016, portant le chiffre d’affaires de la maison de couture au terme de quatre années d’une croissance à deux chiffres jusqu’au milliard d’euros.
Enfin, le spectaculaire développement de Céline n’aurait sans doute pas pu continuer sans le recours au digital. Or Phoebe Philo, aussi cérébrale que discrète, ne s’y intéressait guère. Tout ou presque reste à faire sur ce plan-là, de la présence sur les réseaux sociaux à la vente en ligne. Photographe, ami de David Bowie (mort en 2016), Mick Jagger, Jack White, Peter Doherty, etc., Hedi Slimane a lui tous les atouts en main pour mener ce chantier.
La question se pose maintenant de savoir comment il va faire évoluer Céline, jusqu’à quel point il s’écartera de la ligne simple et pure tracée par Phoebe Philo. On dit qu’il aurait déjà formé une équipe et travaillerait à la réinvention de la marque et peut-être même de son logo… Quoi qu’il en soit, une première révolution est déjà annoncée. Outre la mode féminine, Hedi Slimane va développer de nouveaux départements : la mode homme, la couture et les parfums. Le défi est immense, mais la gestion globale d’une maison et de toutes ses divisions pour mieux en harmoniser l’image est un rêve que le designer caressait depuis longtemps. Cela avait été impossible chez Saint Laurent, les parfums étant gérés par L’Oréal. Bernard Arnaud a su lui offrir cette opportunité. C’est sans doute comme cela qu’il l’a convaincu de sortir de sa retraite.
La première collection d’Hedi Slimane pour Céline sera présentée à Paris en septembre, pour la saison printemps-été 2018-2019. Elle est déjà très attendue. On imagine mal qu’elle n’empiète pas un peu sur le territoire de Saint Laurent… Slimane n’est-il pas l’inventeur de l’esthétique rock ?