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A l’occasion de la récente signature d’un partenariat entre l’Unesco et LVMH, la directrice Environnement du groupe présidé par Bernard Arnault revient pour Les Carnets du Luxe sur la démarche environnementale du numéro un mondial du luxe.
La Rédaction : Pourriez-vous revenir pour nos lecteurs sur ce nouveau partenariat signé entre LVMH et l’UNESCO, afin de soutenir le programme « L’Homme et la biosphère » ?
Sylvie Benard : Chez LVMH, la biodiversité est un sujet que nous prenons en compte depuis longtemps. Le programme de l’Unesco, « Man and Biosphere » (MAB) vise à préserver un certain nombre de zones de biosphère à travers la planète. Il s’agit donc, avec ce partenariat, d’associer les Maisons du groupe qui vont se sourcer dans la nature, voire au sein de certaines de ces réserves de biosphère. Maisons qui vont bénéficier du soutien de scientifiques mais aussi, localement, des experts régionaux et thématiques de l’Unesco, qui les aideront à monter leurs actions de préservation de la biodiversité. Ce partenariat permettra également d’imaginer des solutions innovantes dans la gestion durable des ressources naturelles, solutions qui pourront être répliquées au sein d’autres zones de biosphère, et d’identifier des produits et nouveaux marchés fondés sur la qualité et la traçabilité des matières. Enfin, si l’aspect scientifique du programme MAB prédomine, il comporte également des aspects culturels, sociaux, ou encore en lien avec la protection de savoir-faire. Nous sommes un Groupe d’envergure internationale ; il allait donc de soi que nous investissions ces questions.
LR : En quoi ce partenariat s’inscrit-il dans le prolongement de la démarche environnementale mise en place par LVMH ?
SB : Depuis la création de la direction Environnement, que j’ai eu le plaisir de fonder en 1992, notre Groupe s’est beaucoup développé et ses activités se sont diversifiées. S’est donc rapidement imposée l’idée selon laquelle l’ensemble de nos activités devaient réduire leur empreinte environnementale. De ce constat partagé est né en 2012 le programme « LIFE » (LVMH Initiatives For the Environment), qui se fixe comme but de renforcer, d’ici à 2020, la performance environnementale du Groupe et de ses Maisons autour de quatre objectifs communs. L’un d’entre eux concerne la question de nos chaînes d’approvisionnement, la plupart des produits fabriqués au sein du groupe provenant, comme le coton des textiles ou les fleurs utilisées dans les parfums, directement de la nature. Ce rapport à la biodiversité est donc aussi ancien que fondamental pour LVMH, qui est notamment membre fondateur de la Fondation pour la Recherche pour la Biodiversité (FRB) et adhère, depuis 2012, à la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, dont nous avons été lauréats.
Avec ce partenariat entre nous et l’Unesco, notre engagement pour la biodiversité prend aujourd’hui une nouvelle ampleur, pleinement internationale, à l’image de notre groupe. Un nouvel engagement qui respecte aussi l’identité de LVMH, un groupe rassemblant plus de 70 Maisons aussi diverses que variées, chacune avec ses propres produits, sa propre culture ou ses propres chaînes d’approvisionnement. Si nous partageons des objectifs communs, nous attachons une grande importance à cette culture d’autonomie propre à chaque Maison.
LR : Pourriez-vous brièvement nous détailler les principaux axes de ce programme LIFE 2020 ?
SB : Le programme s’articule autour de quatre objectifs clairs. Le premier vise à ce que 100% des produits du Groupe aient réduit leur impact environnemental d’ici 2020. Le second grand sujet concerne, comme on vient d’en parler, les chaînes d’approvisionnement, objectif qui sera atteint grâce à un certain nombre de certifications assurant la traçabilité et la conformité des matières premières utilisées, comme le coton ou le cuir ; nous souhaitons ainsi déployer les meilleurs standards dans 70% de nos chaînes d’approvisionnement d’ici 2020, pour atteindre 100% en 2025. Le troisième objectif du programme consiste à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 25% d’ici 2020 par rapport à 2013 ; pour l’atteindre, nous avons mis en place un dispositif original, valorisant 30 euros chaque tonne de CO2 émise par l’une de nos Maisons, l’ensemble de ces sommes étant utilisées pour mettre en place des actions destinées à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ; cela peut, par exemple, se traduire par l’adoption d’éclairages LED dans nos magasins. Enfin, le quatrième objectif vise à généraliser l’excellence environnementale de nos plus de trois-cent sites de production, qui devront réduire d’au moins 10% leur consommation d’eau ou d’énergie, ou encore mettre en place des solutions de recyclage des déchets. A ce titre, le Groupe dispose depuis maintenant presque dix ans d’une plateforme dans le centre de la France, vers laquelle nos Maisons peuvent envoyer des produits obsolètes, des rebuts de fabrication ou encore des toiles non utilisées, qui seront recyclés. Les activités de nos Maisons étant très différentes les unes des autres, chacune d’entre elles est invitée à porter l’effort sur des indicateurs qui font le plus sens pour elle.
A titre d’exemple, il va de soi que pour une entreprise comme Sephora, les priorités résident dans l’efficacité environnementale des magasins ou encore dans le transport ; pour nos Maisons de cosmétiques ou de vins et spiritueux en revanche, il s’agira davantage d’analyser le cycle de vie de leurs produits, et notamment de leurs emballages, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à leur fin de vie. Je tiens à nouveau à insister sur ce respect de la culture propre à chacune de nos Maisons : si l’objectif, par exemple d’améliorer d’au moins 10% les indicateurs clés de l’efficacité environnementale, sont communs, chaque Maison est libre de le décliner à sa manière. Ce qui peut se traduire, par exemple, par la réduction de 50% de l’emballage de la gamme Orchidée Impériale de Guerlain, ou par le recours à des recharges, comme Dior le fait avec l’Or de Vie.
LR : Pouvez-vous nous expliquer le rôle de la direction que vous avez créée dans la conception, le développement et le suivi de ces engagements ?
SB : Le travail de conception a évidemment lieu en concertation avec les Maisons, avec lesquelles nous nous réunissons afin de définir nos grands enjeux environnementaux, d’éditer un certain nombre d’outils, de mener des analyses de cycle de vie ou des bilans carbone. Ensuite, et toujours collectivement, nous nous fixons une série d’objectifs, qui sont déclinés au travers de groupes de travail réunissant plusieurs Maisons sur un sujet en particulier. Notre mission passe également par le fait de lancer certains projets pilotes avec nos Maisons, ou par la recherche de nouveaux matériaux ou techniques, avant de les décliner à l’ensemble du Groupe. Enfin, nous recevons chaque année les résultats remontés des diverses Maisons et les soutenons dans l’atteinte de leurs objectifs.
LR : Vous avez évidemment pris connaissance du très récent rapport des experts de l’ONU qui tire la sonnette d’alarme sur la situation de la biodiversité au niveau mondial. Le groupe LVMH considère-t-il avoir un devoir d’exemplarité, notamment vis-à-vis des entreprises du secteur du luxe mais aussi au-delà, dans l’habillement, la cosmétique et l’ensemble des activités couvertes par vos Maisons ?
SB : Il est clair que nous avons un devoir d’exemplarité. C’est la raison pour laquelle la question de la biodiversité est un sujet auquel nous attachons une importance particulière chez LVMH depuis une dizaine d’années, même s’il est vrai que nous ne communiquons peut-être pas suffisamment sur ces questions. D’une certaine manière, ce nouveau partenariat avec l’Unesco représente aussi une façon de mettre un coup d’accélérateur sur la question de la préservation de la biodiversité avec, cette fois, une ampleur internationale.
LR : Ces engagements sont stratégiques pour l’avenir de votre Groupe, mais également pour celui du luxe en général ?
SB : Toute entreprise se doit de se poser la question de l’avenir. A fortiori quand elle est active dans le secteur du luxe, qui crée la tendance et exerce donc un effet d’entraînement sur l’économie et la société. Si différents scénarios sont encore en discussion, la tendance est claire et, malheureusement, nous expérimentons déjà le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Il est donc absolument impératif de nous poser la question d’aujourd’hui, mais surtout de demain et d’après-demain. Il nous faut travailler dès maintenant pour être les plus efficaces possible dans la lutte contre les phénomènes dont nous venons de parler. Nous avons, chez LVMH, l’immense opportunité de pouvoir travailler avec nos Maisons sur ces sujets et de lancer des projets pilotes, que nous pouvons partager avec tous ceux qui nous rejoindrons. Tant mieux, car nous n’avons plus le temps d’attendre.