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Samedi 4 octobre, c’est à la caserne de la Garde républicaine que Hermès avait donné rendez-vous pour le défilé printemps-été 2026 signé Nadège Vanhee-Cybulski. La styliste française est à la tête des collections féminines depuis presque dix ans. Et elle a réussi à consolider la légitimité de Hermès, une maison historique de la maroquinerie, dans le domaine du prêt-à-porter. Un tour de force rendu possible par une stratégie claire : capitaliser sur le savoir-faire exceptionnel du travail du cuir. Et s’en servir de base pour développer une sensualité contenue, tout en matières nobles.
La silhouette Hermès : une grâce terrienne, ancrée dans la matière
Le décor, brut, sableux et sinueux, donne le ton : ici, tout est affaire de contact. Dès les premières silhouettes, la collection Hermès printemps-été 2026 propose un luxe tactile, de l’ordre de la sensation plus que de la démonstration. Les jupes fendues en cuir fauve côtoient des vestes à découpes franches, des brassières façon corsets sanglés, un peu de maille, des foulards retenus par des lanières. Le corps n’est jamais enfermé. Il respire dans des volumes maîtrisés qui se plient, se drapent et se lacent dans son mouvement.
Le jeu chromatique (sable, cuir brûlé, ocre, miel) évoque la patine du temps et du geste de l’artisan. Quelques touches de rouge brique et de blanc ivoire rappellent l’identité Hermès. Et Nadège Vanhee-Cybulski pousse la référence plus loin en jouant avec des imprimés qui rappellent le foulard iconique de la maison. Les découpes de cuir sur les jupes à pans ainsi que les sacs oversize prolongent le vocabulaire équestre de Hermès. Tout concourt à l’idée d’une féminité en mouvement et libre, qui n’a rien d’ornemental.
Le cuir de Hermès : l’artisanat au coeur du vêtement
En rejoignant Hermès pour diriger ses collections féminines en 2015, Nadège Vanhee-Cybulski a dû faire face à un double défi. D’abord, celui de succéder à des figures emblématiques de la mode contemporaine : Martin Margiela et Jean-Paul Gaultier. Un héritage écrasant qui n’avait pas empêché Christophe Lemaire de repenser le style Hermès. Mais qui oblige sa successeure à adopter un vestiaire contemporain pour assurer la pertinence de Hermès dans un univers qui n’est pas le sien.
Car au départ, Hermès n’est pas une maison de vêtements. Sa légitimité s’est bâtie sur la perfection artisanale du cuir et sur le geste sellier. Et c’est précisément ce geste qui intéresse Nadège Vanhee-Cybulski. Car, comme l’illustre encore cette nouvelle collection, la styliste française tire parti de ce savoir-faire pour imposer l’autorité stylistique de Hermès dans le prêt-à-porter. Chaque découpe, chaque silhouette renvoie à la discipline issue des ateliers de maroquinerie. Ici, le luxe n’est pas ornemental. Au contraire, il est l’élément structurel qui assure la cohérence de l’ensemble. Contrairement à d’autres maisons, Hermès n’a pas cherché à copier les codes de la couture. Elle a inventé sa propre grammaire. Et cette fidélité à l’artisanat se retrouve aussi dans les collections masculines signées par Véronique Nichanian.
Vers la haute couture : l’épreuve de la légitimité
Hermès s’apprête à franchir un nouvel obstacle. Car la maison a d’ores et déjà annoncé son intention de faire son entrée sur le terrain de la haute couture. Un choix stratégique qui n’est pas sans poser question. Comment une maison née de la sellerie peut-elle espérer rivaliser avec les institutions historiques de l’aiguille ? La réponse pourrait bien se trouver dans ce que la marque sait déjà faire mieux que quiconque : la maîtrise absolue de la matière.
La haute couture impose un niveau d’exigence à part : richesse des tissus, complexité des broderies, puissance de la narration. Mais Hermès possède une force singulière : un rapport à la perfection qui se fonde sur une extrême attention portée aux détails. La maison ne s’est jamais contentée de « faire beau ». Elle a conquis son rang de première maison de luxe au monde en cherchant toujours à « faire juste ».
Alors en transposant cette philosophie sur le territoire de la haute couture, Hermès pourrait bien inventer une nouvelle voie. Une couture du réel, à la fois sensuelle et fonctionnelle, où le geste de l’artisan remplace la démesure du décor.
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