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La Fashion Week n’est plus seulement un calendrier de défilés de mode. C’est devenu un véritable champ de bataille où les grandes capitales s’affrontent. L’enjeu ? Imposer leur influence culturelle et économique dans le luxe mondial. Paris, Milan, New York et Londres dominent. Chacune avec ses forces et ses faiblesses. Mais la hiérarchie ne se joue pas seulement sur les podiums. Car l’héritage historique, la maîtrise artisanale et la capacité à raconter une histoire des maisons façonnent la désirabilité et le rayonnement de chaque ville. Derrière ces quatre piliers, des outsiders comme Dubaï et Lagos tentent de se faire une place. Et en parallèle, Berlin, Madrid ou encore Copenhague peinent encore à franchir le seuil du super-quartet.
Aujourd’hui, Les Carnets du Luxe vous proposent une lecture stratégique de la compétition entre les Fashion Weeks. Pourquoi certaines capitales restent incontournables quand d’autres luttent encore pour exister ? Voici les éléments de réponse pour comprendre les enjeux actuels dans l’économie du luxe.
Paris : la désirabilité culturelle intacte
Paris ne perd rien de son aura. Car la ville lumière concentre les maisons les plus désirables, celles qui font rêver et qui dictent les codes. Celles, aussi, qui incarnent le luxe à l’état pur : Chanel, Hermès, Dior, Saint Laurent.
La puissance des groupes LVMH et Kering renforce encore cette position. Et des maisons indépendantes comme Hermès et Chanel confirment cette suprématie de la capitale française. Mais Paris ne doit pas seulement son statut à l’histoire. Et c’est désormais sa capacité à attirer les nouveaux talents du luxe qui nourrissent son autorité. La marque américaine The Row défile à Paris, tout comme Stella McCartney ou Victoria Beckham. Le mercato du luxe favorise aussi la captation des talents à la tête des maisons historiques : Demna a rendu à Balenciaga sa pertinence culturelle. Sarah Burton est chargée de rendre son prestige à Givenchy. Et Jonathan Anderson, désormais à la tête de toutes les collections Dior, est une véritable prise de guerre. Il incarnait la nouvelle garde de la mode britannique. Et il est désormais attaché à Paris. Plus que jamais, Paris est l’épicentre de la mode mondiale.
Milan : la force industrielle et artisanale
Milan occupe une place stratégique derrière Paris. Et elle aimerait bien se saisir, enfin, de la première place du podium. En la matière, la capitale de la mode italienne ne manque pas d’arguments. Car l’Italie n’est pas seulement une référence en matière d’esthétique. Elle est aussi, et avant tout, le cœur de la supply chain artisanale et industrielle qui alimente le luxe mondial.
Prada, Gucci, Valentino et d’autres maisons historiques tirent parti de ce maillage unique pour produire de manière efficace tout en préservant l’excellence du geste. Une compétence qui intéresse aussi le luxe français. Et qui explique que LVMH et Kering aient tant investi en Italie depuis vingt ans.
Milan ne rivalise pas avec Paris pour ce qui est de la désirabilité patrimoniale. Mais elle impose sa force par la qualité de sa production, et sa capacité à structurer l’industrie du luxe. C’est un bastion de savoir-faire. Mais les récents scandales concernant les conditions de travail dans les sites de production du luxe ont écorné son image.
New York et Londres : une influence à géométrie variable
New York occupe traditionnellement la troisième place dans le classement des Fashion Weeks les plus suivies. Une place curieusement décevante, qui traduit les difficultés que le luxe américain a rencontré pour s’imposer sur la scène mondiale.
Dans les années 1960 et 1970, l’avènement du prêt-à-porter bénéficiait pourtant aux marques américaines. Plus jeunes, résolument modernes, mieux alignées avec les attentes de la clientèle, elles avaient compris, avant l’Europe, l’importance d’un brand marketing performant. En 1974, le triomphe des couturiers américains sur leurs homologues français lors de la Bataille de Versailles aurait dû sceller le sort de la mode mondiale. Et en toute logique, New York aurait dû l’emporter sur Paris. Pourtant les marques américaines n’ont jamais réussi à briser le plafond de verre. Et encore aujourd’hui, elles peinent à rivaliser avec la couture sophistiquée qu’on associe à Paris et Milan.
La position de Londres est plus précaire encore. Foyer de créativité dans les années 1960 et 1980, la capitale britannique n’a jamais réussi à transformer l’essai. Et elle a définitivement manqué le virage du début des années 2000. Car à l’époque, le fait qu’Alexander McQueen et John Galliano, les prodiges de la nouvelle mode anglaise, défilent à Paris plutôt qu’à Londres a envoyé un message clair. Pour tout créateur talentueux, Paris est la seule ville qui permette de concrétiser de grandes ambitions. Depuis, aucune maison anglaise, pas même Burberry, n’a réussi à émerger comme ambassadeur du luxe britannique. Là où Paris compte tant de noms connus à l’échelle mondiale, Londres semble condamnée à systématiquement perdre ses jeunes talents au profit des villes rivales.
Les outsiders à l’affût
Dubaï, Lagos, Berlin, Madrid, Copenhague. Toutes ces villes observent de loin la hiérarchie des super-quatre. Elles investissent, soutiennent le développement de leurs talents locaux. Et elles construisent des infrastructures pour s’assurer de l’essor d’une mode locale. Mais elles restent cruellement en retrait sur le plan de l’influence, tant culturelle qu’économique.
Certaines initiatives sont néanmoins prometteuses, notamment à Lagos et Dubaï, où l’émergence de jeunes créateurs commence à attirer l’attention internationale. Toutefois, l’inflation médiatique de ces dernières années rend la conquête de visibilité plus difficile pour ces villes. Et pour l’instant, aucune d’entre elle ne parvient à challenger la concentration des acteurs de la Fashion Week.
La bataille des Fashion Weeks 2025 : qui l’emporte ?
On prédisait une Fashion Week historique. Et l’enjeu était médiatique et économique, avant même d’être esthétique. Paris, avec sa cohorte de nouveaux directeurs artistiques à la tête des maisons patrimoniales, mettait en jeu sa place de centre névralgique. Et c’est indiscutablement elle qui l’a emporté en générant le plus de retombées médiatiques. Un levier stratégique pour convertir ensuite l’attention en ventes.
Car contrairement à une idée reçue, l’instabilité n’est pas un élément négatif dans le luxe. Et au contraire, ce vent de nouveauté a largement profité à Paris. La couverture média a commencé dès l’été dernier. Et les lourdes attentes ont suscité une curiosité globale qui s’est traduit par une énorme couverture médiatique. En deux jours seulement, la vidéo YouTube du défilé Chanel a passé la barre du million de vues.
Vendredi 10 octobre, Vogue Business a révélé le classement des défilés les plus suivis. Et les maisons parisiennes dominent clairement ce classement. Elles sont 4 dans le TOP 5.
Le détail du classement Vogue Business 2025 :
Rang 2025 | Maison | Rang 2024 |
---|---|---|
1 ▲ | Chanel | 2 |
2 ▲ | Dior | 5 |
3 ▶ | Gucci | 3 |
4 🆕 | Maison Margiela | Entrée dans le classement |
5 ▲ | Saint Laurent | 6 |
6 ▲ | Valentino | 9 |
7 ▼ | Miu Miu | 1 |
8 ▼ | Louis Vuitton | 7 |
9 ▼ | Prada | 4 |
10 🆕 | Balenciaga | Entrée dans le classement |
L’impact média print se fait aussi déjà sentir. Matthieu Blazy fait la couverture de Fashion of Business et du magazine M du Monde. Olivier Rousteing est à la une de i-D Magazine, une publication de référence. Et l’une des silhouettes de Jonathan Anderson pour Dior est portée par Greta Lee, la nouvelle égérie de la maison, sur la couverture du Vogue américain de novembre.
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