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Pour son premier défilé à la tête de Balenciaga, Per Paolo Piccioli a choisi la retenue et la grâce. Il dévoile une collection à la fois sculpturale et apaisée. Et surtout, il revient à un vestiaire qui célèbre l’essence de la couture selon Cristóbal Balenciaga. Loin du bruit des années Demna, le créateur italien redonne à la maison son allure originelle.
Les silhouettes signatures de Balenciaga : l’épure retrouvée
Hier avait lieu le défilé Balenciaga par Pier Paolo Piccioli. Son premier à la tête de la maison française. Et pour l’occasion, Kering, le groupe propriétaire de la maison, accueillait l’évènement dans les murs de son siège. Le bâtiment historique de l’hôtel de Laennec poursuit ainsi son histoire avec la maison de couture. En effet, en juin dernier, il avait déjà servi de cadre à l’exposition anniversaire des dix ans de Demna à la tête de Balenciaga.
Sous les voûtes de la galerie, les premières silhouettes s’avancent en arborant un noir et blanc graphique. Longue robe-sculpture. Ensemble avec un pantalon fluide. Manteau oversize à l’ampleur étudiée. Puis viennent les éclats de couleurs : un manteau citron à la coupe ovoïde, un fourreau rouge asymétrique, une jupe-boule parme…
La collection convoque l’histoire de la maison à travers certains de ses modèles les plus emblématiques. Ainsi défilent des robes Sack, des jupes Parachute ou encore des robes Baby Doll. Autant d’éléments historiques du pur style Balenciaga. Pour les moderniser, Pier Paolo Picciolo ajoutent des couleurs franches : citron, rouge cardinal, vert émeraude. Et ces touches de lumière viennent adoucir la rigueur du style Balenciaga traditionnel.
Les héritages croisés : Balenciaga, Ghesquière, Demna
Balenciaga est l’une des rares maisons de couture à avoir su imposer une silhouette qui lui est propre. A tel point que l’histoire de la maison est jalonnée de formes parfaitement reconnaissables. Dès les années 1950, Cristóbal Balenciaga construit une grammaire du style qui lui est propre. Et certaines de ses créations seront largement copiées par la suite, à l’instar de la robe Baby Doll, devenue un classique de la mode. L’esthétique Balenciaga, c’est un vêtement émancipé de la sensualité, et qui devient sculpture à part entière. Des lignes pures et géométriques, qui imposent un lourd héritage sur les épaules des créateurs qui succèdent au fondateur.
Des décennies plus tard, Nicolas Ghesquière reprend cette grammaire en la projetant dans la modernité. Il s’intéresse aux volumes techniques, aux tissus futuristes, aux contrastes dans les proportions. Chez lui, l’héritage de Balenciaga n’est pas figé dans le temps. Et il se doit de se moderniser au risque de se démoder.
L’héritage de la maison connaît par la suite une modernisation à marche forcée sous l’égide de Demna. Pendant dix ans, le créateur d’origine géorgienne rompt avec la vision d’une couture trop disciplinée. Et il préfère lui insuffler un esprit spontané et plus ludique. Une approche expérimentale qui refuse le décoratif, et qui permet de cultiver la pertinence culturelle de la maison. Mais qui s’éloigne aussi beaucoup des racines de Balenciaga.
Pier Paolo Piccioli : une esthétique de l’essentiel
Il a passé des années à la tête des collections Valentino. Et son expertise couture aussi bien que sensible se sent dans son approche du style Balenciaga. Avec cette première collection, Pier Paolo Piccioli choisit de tracer sa propre voie. Et pour y parvenir, il s’affranchit du double héritage de Ghesquière et Demna. Il revient à l’essence de Cristóbal Balenciaga. Et il déploie un vestiaire de rigueur, d’épure et de géométrie.
Ce premier défilé refuse le spectaculaire. Il se positionne plutôt dans une forme de sérénité. Il n’est plus question de la quête de sophistication de Nicolas Ghesquière. Et l’heure n’est plus à l’affirmation de pertinence culturelle instaurée par Demna. Piccioli replace Balenciaga dans son champ d’expression naturel : celui de la forme absolue.
C’est un geste fort. Car à l’heure du ralentissement des ventes dans le luxe, beaucoup de maisons sont tentées de jouer la carte de la créativité à tout prix. Elles honorent leurs archives tout en les modernisant à outrance. Et ce n’est pas la stratégie adoptée par le styliste italien. Sa proposition est radicale, non pas parce qu’il choque, mais parce qu’il revient aux sources de la couture. Ce retour aux racines ne sonne pas comme une forme de nostalgie teintée d’opportunisme commercial. Il s’agit de la renaissance d’un style de mode qui revendique un discours authentique.
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