|
|
Le JAD, Jardin des métiers d’Art et du Design, présente l’exposition Tisser l’avenir, Habiller le corps. Elle est à visiter à Sèvres jusqu’au 21 avril 2024.
Cet événement au Jardin des métiers d’Art et du Design, également porté par le Département des Hauts-de-Seine en co-pilotage avec le Groupe SOS Culture/Scintillo, la communauté d’artisans Make Ici et l’Institut National des Métiers d’Art, se veut une réflexion sur les savoir-faire d’exception du textile et leur contribution à une mode durable. Le parcours de Pascal Gautrand, commissaire de l’exposition, explicite ce couplage. Premier designer de mode à avoir obtenu une résidence d’un an à la Villa Médicis, ce styliste et graphiste talentueux privilégie la création en lien avec la nature tout en valorisant, par un engagement de terrain, des produits qui en sont directement issus. Pour aider à envisager « l’habillement du corps de demain », le curateur a choisi de développer son propos en trois sections.
Dans la première, Pascal Gautrand met directement en scène à la fois son intérêt pour l’art et son désir de faire évoluer la mode. Les attendus concernant le vêtement sont dépeints par la vidéo de Valérie Mréjen tandis que les productions des plasticiennes Geneviève Sevin-Doering et Marie-Ange Guilleminot côtoient celles de créatrices se démarquant de l’industrie du textile traditionnel telle Jeanne Vicérial, l’inventrice de la « tricotisseuse », et Stéphanie Coudert, modiste sans concession. Ces pionnières proposent un rapport minimaliste au vêtement tout en défendant chacune leur conception : un vêtement pour une vie, une coupe en un seul morceau, un vêtement directement sur mesure en un seul fil. La durabilité n’est pas instituée en modèle à suivre mais la sobriété est posée comme un point vers lequel se diriger, quelle qu’en soit la façon.
Dans la deuxième section, c’est le surcyclage qui est mis à l’honneur. Si « être vêtu comme un sac à patates » signifie être mal habillé, viser l’élégance en utilisant la matière de ces contenants tient du défi. En 1952, lors d’un shooting, Marilyn Monroe avait déjà aidé à le relever en portant une toile de jute aux motifs publicitaires d’une marque de pommes de terre. Aujourd’hui, Anaïs Beaulieu tente à nouveau l’aventure avec sa « Robe de fortune » réalisée non pas en filets de pommes de terre mais en plastiques brodés. Un autre exemple de recyclage de l’extrême se trouve dans la collection « Jean alternatives » d’Aurélia Leblanc, qui a détissé des jeans usagés ou provenant de stocks non vendus pour tisser ensuite de nouvelles pièces à partir des fils obtenus. Et parce que recyclage et luxe ne sont pas incompatibles, la styliste a ajouté des perles de céramique japonaises à ses créations fait main lors de sa collaboration avec Dior.
La dernière section enfin s’intéresse aux matériaux naturels et à la façon de les valoriser au travers de filières de production de textile responsables (exploitation de la laine des Pyrénées, du lin normand…). Il s’agit ici d’informer le spectateur sur les ressources qui permettent d’agir en citoyen responsable. Des échantillons de produits bruts sont montrés à côté de robes réalisées à partir de leurs fibres. Des méthodes de coloration à partir de végétaux sont également mises à l’honneur, tout comme des moyens de les utiliser de façon parcimonieuse à la manière dont l’a fait Sandrine Rozier dans ses costumes créés pour l’Opéra-Comique. Contrairement aux idées reçues, avoir recours aux matières brutes n’implique pas le rejet de la modernité : la coloration au chanvre peut, par exemple, s’adapter au plastique recyclable. En revanche, son utilisation, que ce soit à l’échelle artisanale ou industrielle, traduit un engagement vertueux.
En dehors du parcours de l’exposition qui suggère à chacun un ensemble de voies à emprunter, des ateliers et stages pratiques sont proposés. Centrés autour de l’upcycling, de la broderie ou de la sculpture textile, ils permettent au spectateur de s’essayer à différents savoir-faire. Le spectateur est invité, le 20 mars à 19 heures, à échanger avec des acteurs de référence de la filière du textile durable.
Image d’ouverture: Robe de fortune © Anaïs Beaulieu