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Ready-made et NFT à la Monnaie de Paris
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Composée de plus de 200 œuvres, l’exposition « L’argent dans l’art » actuellement visible à la Monnaie de Paris explore les liens entre l’argent et l’art de l’Antiquité à nos jours. Chronologique, le parcours aborde la question selon deux angles : les représentations de l’argent dans les œuvres de tout genre mais aussi les questions posées par les artistes sur la valeur de leurs productions et la manière dont elles peuvent s’inscrire dans le commerce global.
Concernant le premier point, l’exposition montre l’impressionnant corpus d’œuvres mettant en scène l’argent au cours de l’histoire de l’art. Qu’elles s’inspirent des récits mythologiques, des scènes de la Bible ou des évolutions sociétales comme l’apparition de certains métiers liés à la circulation de la monnaie à la Renaissance, ces œuvres relatives à la place de l’argent dans la société sont toujours porteuses d’un enseignement moral.
Pour ce qui est de la valeur de l’art, la question, si elle est parfois posée par les artistes, l’est d’abord malgré eux. Ce sont en effet les impressionnistes qui, au XIXe siècle, ouvrent la voie à cette réflexion en proposant sur le marché des œuvres qui ne répondent plus aux critères de valeur en vigueur jusqu’alors. La valeur monétaire de leurs toiles à l’apparence inachevée ne semble pas pouvoir être évaluée à l’aune du « travail fourni » qui était le critère en cours sous l’académisme.
Les œuvres des impressionnistes posent une question mais c’est l’artiste conceptuel Marcel Duchamp qui le premier s’en empare en artiste. Avec ses ready-mades, des objets manufacturés auxquels il décerne le statut d’œuvre sans leur faire subir de transformations physiques, il fait voler en éclat l’idée de travail dans la valeur accordée aux œuvres.
Révélant l’opacité des critères quant à l’estimation monétaire d’une œuvre, il ouvre la voie à deux figures d’artistes, ceux qui s’en réjouissent à l’image du surréaliste espagnol Salvador Dalí ou de l’artiste pop américain Andy Warhol et ceux qui le dénoncent comme la plasticienne française Orlan ou le conceptuel allemand Hans Haacke.
Alors que les deux premiers revendiquent le droit de devenir riches grâce à leur art et de gérer leur production comme une marque, Orlan met en scène la position d’artiste en vendant « un baiser d’artiste » pour 5 francs (Le Baiser de l’artiste, 1977) et Haacke souligne les relations intéressées de l’industriel David Koch utilisant l’image du MoMA de New York pour ses causes politiques (The Business Behind Art Knows The Art Of The Koch Brothers, 2014).
Parfois opaques, les liens entre le monde de l’art et le monde des finances ne font que s’intensifier, surtout à l’ère des NFT qui offrent la possibilité aux artistes de proposer des œuvres numériques sur la toile. C’est sur ce chapitre ultracontemporain que se clôt l’exposition et l’on ne peut s’empêcher de se dire qu’il n’aurait pu exister sans l’avènement il y a plus de cent ans de l’art conceptuel et l’habitude prise par les collectionneurs d’acheter des certificats et protocoles signés plutôt que des objets réels.