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« I am anti-fashion ». Difficile de faire plus radical. Cet esprit frondeur, farouchement indépendant, en lutte avec la tendance du moment, fut toujours la ligne directrice de Giorgio Armani. Et avec sa mort, survenue le 4 septembre dernier, une page de l’histoire de la mode italienne se tourne définitivement. Cet ancien étalagiste formé à la photographie a régné en maître sur la mode italienne pendant près de 50 ans. Aux côtés de Gucci, Versace et Prada, Armani a fait rayonner le luxe italien. Et dans les années 1980, il a participé au renouvellement de l’image d’un luxe européen, souvent trop dépendant du classicisme français. Très engagé pour la défense du patrimoine culturel, il incarnait à lui seul le savoir-faire de la couture italienne. L’impact de Giorgio Armani sur le luxe mondial restera sans commune mesure.
L’artisanat comme fondement de l’élégance
Dans l’univers saturé de la mode, Giorgio Armani a bâti son empire à contre-courant. Ses vestes déstructurées, au tombé fluide à l’épaule souple, ont réinventé le tailoring masculin comme féminin. Sobriété et rigueur, mais toujours au service du confort et de l’allure. Le couturier milanais a su faire de l’épure sa marque de fabrique, à la fois immédiatement reconnaissable et tout simplement intemporelle. Et en cela, Giorgio Armani a profondément modifié la grammaire du luxe. Alors que Gucci et Versace cultivaient les ornementations excessives Armani a redonné ses lettres de noblesse à la coupe, à la ligne et au travail de l’artisan.
Ce dialogue permanent entre tradition artisanale et modernité s’est incarné dans ses collections Armani Privé. Car là, chaque broderie, chaque perlage et chaque tissu rare ont toujours témoigné d’une fidélité absolue au savoir-faire couture. D’ailleurs, encore aujourd’hui les ateliers Armani sont de véritables ateliers dévolus au travail de la main. Et la précision technique est à la base de l’esthétique prônée par la maison milanaise.
C’est précisément cette exigence artisanale qui a permis à Armani de s’imposer comme une référence universelle dans la mode. En près de 50 ans, ses créations ont traversé les époques. Et elles ont aussi bien résonné dans les salons de haute couture que sur les tapis rouges hollywoodiens.

Giorgio Armani : une authentique vision culturelle pour la couture
Avec la mort de Giorgio Armani, le monde de la mode célèbre le travail d’un immense couturier. Mais Armani fut aussi, et peut-être avant tout, l’architecte de son propre univers. L’Armani Teatro, conçu par Tadao Ando dans une ancienne usine de chocolat, illustre parfaitement cette ambition. Faire dialoguer la couture avec l’architecture. Offrir au vêtement un écrin culturel à part entière.
De même, le couturier a imaginé la création de l’Armani/Silos, un espace muséal inauguré à Milan, sa ville de cœur. L’Armani/Silos témoigne de cette volonté d’inscrire la mode dans l’histoire culturelle de la ville, et d’ériger le vêtement au rang d’œuvre d’art. Fidèle à Milan jusqu’au bout, Giorgio Armani a fait de la capitale lombarde bien plus que le siège social de sa maison. La ville est devenue une scène incontournable du style, capable de rivaliser avec Paris, la capitale pourtant incontestée de la mode.
« L’élégance ce n’est pas de se faire remarquer, c’est qu’on se souvienne de vous »
Indépendant jusqu’au bout, Armani a toujours refusé de céder son entreprise aux grands groupes de luxe. Ce choix, à contre-courant d’une industrie toujours plus polarisée, illustre bien la vision d’un créateur resté maître de son œuvre. Et en cela, il laisse derrière lui non seulement un héritage stylistique, mais aussi un modèle d’intégrité rare dans l’univers du luxe.
Depuis hier, des centaines de personnes défilent pour se recueillir devant son cercueil, installé à l’Armani Teatro. L’Italie pleure l’un de ses derniers grands couturiers. Et Milan, en particulier, dit adieu à un ardent défenseur de son artisanat. Giorgio Armani, à jamais maître de l’élégance, tire sa révérence dans un lieu qu’il a pensé comme un trait d’union entre couture et culture. Et avec lui, c’est une certaine idée du luxe italien qui s’éteint. Car comme il l’affirmait lui-même, « l’élégance ce n’est pas de se faire remarquer, c’est qu’on se souvienne de vous ».
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