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Homme d’affaires discret et généreux mécène, Serge Ossipenko est avant tout un amateur d’art. D’origine ukrainienne, il fait de la culture un levier de diplomatie pour son pays et a créé la Fondation pour la diplomatie culturelle UART en 2011. Il apporte son éclairage aux Carnets du Luxe.
Guillaume de Sardes : Vous avez créé une fondation pour la diplomatie culturelle : UART. Ce concept de « diplomatie culturelle » est encore mal connu du grand public. Pourriez-vous l’expliquer à nos lecteurs et préciser le fonctionnement et le but de votre fondation ?
Serge Ossipenko : La diplomatie culturelle vise à multiplier les liens intellectuels et artistiques entre les citoyens de différents pays hors des cadres politiques officiels. Elle est un puissant moyen de communication qui permet un développement vraiment international des échanges. En effet, l’art traverse les frontières, rapproche les communautés et favorise la compréhension entre elles. Pour prendre l’exemple de mon pays, grâce à la diplomatie culturelle, un nouvel intérêt pour l’Ukraine peut se développer, appuyé sur une image positive, celle d’un pays à la jeunesse inventive, développant activement les industries créatives, bénéficiant d’un riche patrimoine culturel et où des artistes talentueux produisent des œuvres de grand retentissement, capables de consonner avec les tendances mondiales les plus intéressantes.
La fondation pour la diplomatie culturelle UART a été fondée en 2011 et repose sur les valeurs dont l’art peut être porteur : un espace mondial de la culture et de la créativité sans frontières, cadres ou limites. Notre équipe estime que les œuvres des artistes, qu’ils soient sculpteurs, réalisateurs, designers, photographes ou littérateurs, sont les points de contact qui nous permettent à tous, quelle que soit notre origine, de parler le même langage. C’est pourquoi nous orientons nos activités vers le soutien et la promotion de ce qui nous paraît le plus intéressant dans la création contemporaine. Parmi nos priorités figurent les projets interculturels, le développement des industries créatives et le plus large dialogue possible entre les communautés artistiques, à l’échelle de l’Europe et du monde.
Guillaume de Sardes : Pourriez-vous nous donner des exemples de projets culturels que vous avez menés en Ukraine ? Quel est le prochain ?
Serge Ossipenko : Parmi les projets phares de la Fondation, je citerai la mise en œuvre du projet Grand UART. Il s’agit d’un concours destiné aux jeunes artistes travaillant dans les domaines de la peinture, des arts graphiques, de la sculpture et de la photographie, dont le prix est une bourse d’études à Paris. Nous avons organisé aussi des expositions d’artistes ukrainiens dans les capitales de la culture européenne, Paris, Venise, Strasbourg, Bruxelles, et nous soutenons le programme artistique du Festival du film d’Odessa pour la période 2016-2019. À la fin du mois de septembre, un événement exceptionnel, “End summer opera moments by UART”, aura lieu à Monaco : une soirée d’opéra au domaine des comtes de la Bordina en Principauté, au cours de laquelle Susanna Chakhoian, célèbre soliste et vedette de l’Opéra national d’Ukraine, se produira dans un programme musical brillant.
Guillaume de Sardes : Où en est, selon vous, l’art ukrainien ? Quelles sont ses qualités et ses faiblesses? Quelles évolutions pourraient avoir lieu dans les années qui viennent ?
Serge Ossipenko : Personnellement, je ne divise pas la culture selon qu’elle est ukrainienne, française ou autre, car pour moi, la culture est une substance universelle. C’est grâce à la diversité des manifestations artistiques que sont créées des conditions uniques permettant à chacun de s’inscrire dans le processus créatif et, en même temps, de mieux se connaître. La culture fait partie de la vie, tout comme la vie fait partie de la culture. L’art développe la pensée, apprend à percevoir les choses au-delà des idées reçues, à dépasser les schémas établis. C’est un prisme à travers lequel on peut regarder le monde différemment, s’ouvrir, percevoir la structure du macro et du microcosme. En citant Marcel Proust : « par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers ». C’est pourquoi le soutien à la culture est fondamental. Je dirais même qu’en raison de son pouvoir d’influence et de son intégration dans le monde global, il est supérieur à tous les autres facteurs. Je suis convaincu que les institutions culturelles créées ces dernières années et qui ont commencé à soutenir des projets dans le domaine des arts (Institut ukrainien, Fonds culturel ukrainien, Livre ukrainien, etc.), ainsi que des fonds et initiatives privés, élargiront la représentation et les échanges, enrichiront le paysage culturel et offriront de nouvelles possibilités aux artistes.
Guillaume de Sardes : Quels sont les lieux culturels (galeries d’art, musées, opéras, bibliothèques, etc.) que vous aimez particulièrement à Kiev ?
Serge Ossipenko : Récemment, il y a eu des changements vraiment positifs dans le paysage culturel de Kiev : de jeunes équipes, de nouveaux responsables artistiques apparaissent dans les musées nationaux, qui considèrent leurs institutions bien au-delà des salles d’exposition, comme des centres d’échanges culturels, créant des récits de qualité et lançant des projets significatifs, d’importance tant ukrainienne qu’internationale. Je voudrais donc souligner ceux qui sont devenus des points d’attraction non seulement pour Kiev et les Ukrainiens, mais également pour un large public international d’amateurs d’art : Pinchuk Art Center, Closer, Naked room, Art Arsenal, le Musée national d’art, le centre d’art contemporain M17, le Creative Port Hub, le centre Dovzhenko. À Odessa, je voudrais saluer le travail du Musée d’art d’Odessa, dirigé par Alexander Roitbrug, où l’UART a participé cette année à la mise en œuvre du projet « Night in the Museum » dans le cadre de l’OIFF.