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Ces dernières années, la Fashion Week de Shanghai n’a fait que monter en puissance. Elle a su profiter de l’élan économique de la zone Asie. Mais surtout, elle a réussi à se positionner judicieusement en soutien des jeunes marques locales. Mark Gong, Oude Waag ou encore Shushu/Tong sont parmi les noms qui captent désormais l’attention des consommateurs de luxe dans cette région du monde.
Autre preuve de l’attrait de cette Fashion Week émergente : des acteurs de la mode et du luxe y participent désormais. Juste après la fin d’une Fashion Week parisienne qui a tenu toutes ses promesses, l’édition 2025 de la Fashion Week de Shanghai devrait bénéficier d’une belle visibilité médiatique. L’occasion de démontrer au reste du monde la créativité et le savoir-faire des jeunes marques locales.
Un nouvel épicentre du luxe en Asie
Du 9 au 16 octobre 2025, Shanghai accueille la présentation des collections printemps-été 2026 dans un climat d’effervescence. Ce qui fut longtemps perçu comme une “semaine locale” s’impose aujourd’hui comme une plateforme stratégique. Et elle attire par sa capacité à fédérer la jeune création chinoise et les ambitions des grands groupes internationaux. Cette saison, plus de la moitié des marques présentes sont étrangères. Un basculement symbolique qui illustre la montée en gamme du rendez-vous asiatique.
Kering, H&M, Adidas, Mercedes-Benz ou encore Harrods profitent de cette édition pour y organiser des activations. Ce qui tend à témoigner d’un déplacement progressif du centre de gravité du luxe vers l’Asie.
L’événement ne rivalise pas encore avec Paris ou Milan en termes d’aura. Mais il s’impose désormais comme un carrefour d’influence incontournable, où le luxe teste ses nouveaux récits et ses nouvelles stratégies de séduction.
Les ambitions des maisons occidentales
Shanghai est devenue, pour les marques occidentales, un laboratoire de visibilité et de désirabilité. Là où les capitales européennes concentrent les projecteurs médiatiques, la métropole chinoise offre un autre type d’exposition : plus directe, plus digitale, plus expérientielle.
Autant d’arguments qui ont attiré Moncler. Cette année, la maison italienne déploie son concept “City of Genius” à Shanghai. La marque transforme la ville en scène immersive, entre art, performance et défilé. Ce choix n’a rien d’anodin : il consacre Shanghai comme un lieu de spectacle culturel total, capable de mobiliser à la fois la presse, les influenceurs et le public local. Pour Moncler, c’est aussi une façon de s’adresser directement à la clientèle chinoise du luxe. Car dans le luxe, la fidélisation passe désormais par l’émotion et la connivence culturelle.
Fashion Week de Londres en berne : les Britanniques investissent en Asie
Les maisons anglaises Paul Smith et Vivienne Westwood ont, elles aussi, décidé de prendre leurs quartiers à Shanghai. Alors que Londres peine à retrouver son éclat médiatique, ces marques trouvent en Chine une opportunité de résonance nouvelle. Paul Smith inaugure ainsi un flagship au Bund Finance Center. Et Vivienne Westwood clôture le calendrier officiel avec un défilé à Xintiandi.
Ce choix de positionnement est clair. Les marques britanniques voient l’occasion de s’associer à une Fashion Week en pleine expansion pour capter une visibilité régionale. Et il s’agit pour elles de réaffirmer leur statut d’icônes créatives auprès de la clientèle chinoise curieuse, qui reste stratégique pour le luxe.
Harrods : le retail de luxe veut lui aussi surfer sur l’attrait de Shanghai
Un autre grand nom du luxe britannique est présent à la Fashion week de Shanghai 2025. Il s’agit du grand magasin Harrods. Cette figure incontournable du retail présente une activation originale. En effet, son concept “Hives” s’installe à Fotografiska Shanghai.
Mais l’enjeu dépasse la simple promotion commerciale. Car il s’agit de placer Harrods au cœur des échanges culturels et émotionnels du luxe. En participant activement à la semaine de la mode, l’enseigne transforme son image de distributeur en acteur de contenu. Et Harrods veut démontrer sa capacité à incarner l’esprit du lifestyle global que recherchent les consommateurs asiatiques.
Fashion Week de Shanghai 2025 : la scène locale prend confiance
Malgré la présence de grands noms internationaux, la jeune création chinoise n’a jamais été aussi visible. Elle devrait profiter de la médiatisation accrue, en partie portée par la présence d’acteurs internationaux. Mais surtout, les marques chinoises portent de grandes ambitions. Elles ne se contentent plus d’imiter les codes occidentaux. Et elles capitalisent désormais sur leur ancrage culturel pour proposer une vision originale et pertinente du luxe contemporain.
Mark Gong : l’incarnation du romantisme chinois
Formé à New York, Mark Gong a fait de Shanghai son laboratoire. Son style : un mélange de silhouettes féminines structurées, d’étoffes légères et de détails poétiques inspirés du patrimoine chinois. Ses robes translucides ornées de broderies inspirées des jardins de Suzhou revisitent la tradition sans la folkloriser. Pour Gong, la Fashion Week de Shanghai est un tremplin indispensable à sa croissance. Un lieu où il peut séduire les acheteurs asiatiques tout en visant une expansion vers Paris ou New York.
Shushu/Tong : l’avant-garde féminine
Le duo Shushu Zhang et Tong Qiu est devenu en quelques saisons un très bon exemple du potentiel de la mode locale. Leur univers, mélange d’innocence et de provocation, bouscule les codes de la féminité en Chine. On y trouve aussi bien des minirobes babydoll, des rubans de satin ou encore des corsets revisités. Le label réinvente une forme de « power dressing » féminin, à la fois espiègle et assumé.
Leur succès illustre un phénomène clé. L’émergence d’une nouvelle génération de consommatrices chinoises qui rejettent les canons occidentaux. Et qui préfèrent à la place affirmer une identité stylistique propre, entre tradition et irrévérence.
Angel Chen : l’art du métissage
Au départ, Angel Chen s’est fait connaître grâce à ses collaborations médiatisées avec H&M ou encore Canada Goose. Mais la créatrice revient cette saison à Shanghai après plusieurs années d’absence. Et son défilé sera forcément l’un des temps forts.
Sa signature : une fusion éclatante entre design contemporain et motifs chinois traditionnels. Cette année, elle collabore avec la marque de thé Chagee. Et ce partenariat est hautement symbolique. Il célèbre la culture du thé comme art de vivre et comme vecteur d’esthétique. Angel Chen s’impose ainsi comme une ambassadrice d’un luxe chinois conscient de ses racines, mais pleinement international.
Guachao : la vague culturelle qui redéfinit le luxe chinois
Derrière ces noms de créateurs, une tendance résonne : guachao (国潮), littéralement « vague nationale ». Ce mouvement est né il y a une dizaine d’années. Et il traduit désormais le désir des jeunes consommateurs chinois de renouer avec leur patrimoine culturel. Ce qui ne les empêche pas de revendiquer une modernité créative, parfois inspirée de l’Occident.
Le guachao, c’est le retour du rouge impérial dans les palettes, des motifs du zodiaque revisités, des coupes inspirées du hanfu ou du qipao, intégrés dans des silhouettes contemporaines. C’est surtout une posture : acheter local, c’est affirmer son identité, sans renoncer au luxe.
Il s’agit d’une forme de réhabilitation patrimoniale, comme les marques européennes ont pu le vivre au début des années 2000. Le guachao n’est donc pas un simple courant esthétique. Mais c’est bien une stratégie culturelle. Celle d’un pays qui entend produire son propre luxe, fondé sur la transmission, le savoir-faire et l’orgueil national.
Cette tendance redéfinit la consommation du luxe en Chine. Les jeunes clients, plus instruits et connectés, veulent des marques qui leur parlent d’eux. Pas seulement de Paris. Pour les labels locaux, c’est une formidable opportunité de légitimité. Mais cette tendance n’est pas sans représenter un danger pour les marques étrangères. Car si elles veulent renouer avec la croissance des ventes en Asie, elles vont devoir mieux prendre en compte les attentes de leur public local. Un dialogue qui passera forcément par l’évolution du référentiel culturel, dans le respect, la compréhension et la sincérité. Sous peine que les marques occidentales soient taxées d’appropriation culturelle.
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