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L’année 2025 marque l’anniversaire des quinze ans de la disparition d’Alexander McQueen. Et à cette occasion, sa maison dévoile sur sa chaine YouTube une série documentaire intitulée Documenting McQueen. Son sujet ? Donner un aperçu du processus créatif du couturier britannique. Le premier épisode se consacre à la collection iconique Dante (automne-hiver 1996). Et il ravive la mémoire d’une œuvre qui continue d’inspirer la jeune création. Une immersion rare dans les souvenirs d’un visionnaire parti trop tôt, mais dont l’influence demeure bien présente sur la scène mode contemporaine.
C’est donc sur la chaine officielle YouTube de la maison Alexander McQueen que le premier épisode de Documenting McQueen a été mis en ligne. La vidéo donne la parole à Alistair O’Neill, historien et professeur à l’école de mode et de design Central Saint Martins de Londres. Devant la caméra, il présente trois pièces emblématiques de Dante, l’une des collections fondatrices de McQueen. Elle a été conçue en 1996, alors que le couturier n’en est encore qu’à ses débuts. Mais elle jette déjà les bases de ce qui sera sa marque de fabrique.
Documenting McQueen : un premier épisode consacré à la collection Dante

La première pièce est une robe noire d’inspiration monastique, caractérisée par un contraste visuel puissant. En effet, son austérité apparente est brisée par un jeu de découpes en chevrons transparents qui dévoilent la poitrine. Un détail qui témoigne déjà du rapport instinctif de McQueen à la sensualité, au sacré. Mais aussi et surtout à la subversion des codes. Autre détail remarquable : la doublure de la robe, un tissu fleuri de qualité modeste. À l’époque, McQueen, encore sans moyens, travaillait avec des matériaux abordables, qui n’avaient a priori pas leur place dans la couture. Preuve que la radicalité créative du créateur n’a jamais dépendu du luxe des matières, mais de sa vision.

Deuxième pièce : une paire de bottines noires inspirées des chaussures victoriennes. Réalisées en cuir et ornées de boucles argentées, elles portent sur l’avant un délicat cœur métallique. Ce détail, clin d’œil aux « mouches » que les femmes collaient sur leur visage à l’époque, évoque le goût précoce de McQueen pour l’ornementation. Un élément hérité de son expérience de costumier de théâtre. Le mélange entre rigueur historique et théâtralité, déjà ici très affirmé, deviendra l’une des signatures esthétiques les plus célèbres du créateur.

Enfin, le professeur O’Neill dévoile une veste noire pour femme dont le boutonnage diagonal et la silhouette cintrée convoquent à la fois l’uniforme militaire et l’art du tailoring anglais traditionnel. Alexander McQueen avait appris la rigueur de la coupe dans les ateliers de Savile Row. Et il fusionne ici discipline, élégance et pouvoir au féminin. Une équation stylistique qui marquera durablement la maison.
Quinze ans après sa disparition, quel est l’héritage d’Alexander McQueen ?
Depuis son décès en 2010, l’aura de Lee Alexander McQueen n’a fait que se renforcer. La légende noire d’un couturier obsédé par la coupe parfaite, habité par des thèmes obsessionnels et un goût prononcé pour la subversion s’est renforcée. Et bien que McQueen ne soit pas une référence ouvertement revendiquée, son empreinte visuelle et sa quête de sens se retrouvent facilement dans le paysage actuel de la mode.
Difficile de ne pas faire de parallèle entre la réflexion sociétale portée par Demna, qui interroge les frontières entre consommation effrénée et mode, et la dénonciation de la sur-consommation par McQueen. Et le charme vénéneux des silhouettes de Haider Ackermann pour Tom Ford n’est-il pas un écho à la vision des femmes McQueen, vengeresses mais jamais candides ? La plume, matière chère à Alexander McQueen, continue de hanter les podiums, notamment le premier défilé de Matthieu Blazy pour Chanel.
Art du spectacle et mémoire du défilé
Autre trait d’union : le goût du spectacle de la jeune génération de créateurs. Car McQueen a posé les jalons d’un nouveau genre de défilé, ouvertement narratif et spectaculaire, souvent intéressé par les nouvelles technologies. Ainsi, pour le final de son défilé automne-hiver 2006-2007, McQueen fait projeter l’hologramme de Kate Moss. Un geste radical.
Et la même radicalité se retrouvait dans le final du défilé printemps-été 2023 de Coperni : une peinture, directement vaporisée sur le corps de Bella Hadid, séchait en temps réel pour devenir une robe. Si la référence n’est pas revendiquée par le duo créateur de Coperni, on sent toutefois une même volonté de repousser les limites de la mode pour questionner l’image émancipée de la couture traditionnelle. Disparition de la matière chez l’un, apparition chez les autres.

Quinze ans après sa mort, Lee Alexander McQueen n’est pas devenu une référence consensuelle. Un hommage qu’il aurait probablement détesté. Mais le langage stylistique qu’il a fondé sur la précision couture et l’art de la tension dramatique lui survit. Documenting McQueen est l’occasion de mieux mesurer combien la sensibilité du créateur résonne encore avec les gestes créatifs d’aujourd’hui. Et de faire découvrir à une nouvelle génération les arcanes du style McQueen, une source inépuisable de modernité.
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