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Il a fait les beaux jours de Gucci, avant d’être rattrapé par la réalité économique du luxe. Et pourtant, Alessandro Michele n’a rien perdu de son aura internationale. Depuis un an, il a pris la direction de Valentino, une maison avec laquelle il cultive des affinités sans pour autant que le mariage esthétique relève de l’évidence. Dans un contexte du luxe 2025 où les maisons capitalisent sur leurs archives, la liberté créative devient une denrée rare. Et chez Valentino, le défi d’Alessandro Michele n’est pas tant de réussir sa collection printemps-été 2026. C’est plutôt de parvenir à conserver sa singularité sans menacer la stabilité de sa maison d’adoption.
Le romantisme de Valentino face au baroque de Michele
Chemises bouffantes à lavallière, pantalon jaune citron, robes longues avec dentelle. Pas de doute : on retrouve les éléments chers au style d’Alessandro Michele. Et ses silhouettes rappellent autant les fastes du XVIIIe siècle que la nonchalance des années 1970.
Historiquement, Valentino Garavani avait codifié une élégance italienne fondée sur la perfection du geste et une élégance traditionnelle. Pier Paolo Piccioli, son successeur, en avait adouci la rigueur en y insufflant une vision plus moderne.
Avec Alessandro Michele, la maison bascule dans une autre temporalité. Son approche baroque chahute subtilement l’esprit intemporel de Valentino. Et il transforme une couture de l’épure en une sorte de territoire émotionnel teinté d’onirisme. Là où Valentino célébrait la pureté du travail de main, Alessandro Michele préfère mettre en scène la complexité du regard. Et il fait dialoguer deux philosophies du luxe : celle de la mesure et celle de l’excès.
Entre singularité et stratégie : la création à l’épreuve du marché
Chez Gucci, Michele avait su imposer son goût pour une mode baroque, luxuriante et généreuse. Mais la crise économique a prouvé les limites de cette esthétique. Et depuis, le contexte général du luxe n’a pas favorisé des visions trop radicales. On attend des directeurs artistiques qu’ils respectent l’héritage des maisons. Et ils se doivent de jouer le jeu de la vraie-fausse disruption en reprenant les archives pour les moderniser. Mais cet équilibre relève-t-il d’une démarche créative sincère ou d’une simple logique de marché ?
En rejoignant les rangs de Valentino, Alessandro Michele a dû se confronter à cette problématique. Un créateur peut-il encore s’exprimer librement dans un système aussi codifié ? Depuis un an, il avance sur un fil. Son univers personnel, fait de mysticisme, de nostalgie et d’extravagance ne peut pas investir frontalement le territoire Valentino.
Alors le créateur italien pousse ses pions de façon stratégique. Et cette collection printemps-été 2026 en est la parfaite illustration. Les coupes classiques sont déstabilisées par des couleurs inattendues et des effets de superposition. Alessandro Michele compose une nouvelle esthétique avec prudence. Sa force reste la sincérité de sa recherche visuelle. Une sincérité rare dans un monde saturé de storytelling de marque. Et qui redonne à Valentino une voix distincte.
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