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On taxe souvent la mode de superficielle. Pourtant, l’univers du luxe n’a de cesse de mettre en avant sa créativité. Son objectif ? Démontrer justement qu’à l’instar des œuvres d’art, les vêtements de luxe sont avant tout un parti pris esthétique. Et qu’ils peuvent s’émanciper de toute dimension utilitaire. Certains créateurs de mode poussent la logique à son comble. Et ils en viennent même à revendiquer une expression artistique à part entière. Entre codes visuels, créativité et quête de sens, la mode questionne la frontière entre stylistes et artistes.
Figures emblématiques d’une mode pleinement artistique
Il existe un champ bien particulier de la mode de luxe. Et elle se consacre ouvertement à une forme d’avant-garde stylistique. Parmi ses défenseurs, on retrouve au fil des années des stylistes de renom, qui ont élevé la mode au rang d’art visuel.
Parmi les pionniers, Alexander McQueen s’est distingué par ses défilés théâtraux. De véritables performances à la manière de happenings dans lesquels mannequins et musique se mêlent pour former une composition vivante.
Dans une veine plus conceptuelle, Martin Margiela a abondamment exploré la déconstruction et le détournement d’objets. Son anonymat et son goût pour une mode ouvertement intellectuelle a donné naissance à des masques devenus cultes. Des objets de désir, sortes de mini sculptures à part entière, qui ont assuré la singularité de la maison dans le paysage de la haute couture.
Hussein Chalayan a lui aussi cherché à repousser les limites entre mode et art. Chez lui, le vêtement devient une création transformable : robes modulables en meubles, plis qui se déploient dans des volumes surprenants… La notion de vestiaire s’efface au profit d’une réflexion sur le rapport du corps à l’espace qui l’entoure.
Plus récemment, Iris Van Herpen a impressionné les amateurs de mode contemporaine. La styliste fusionne mode, sculpture mais aussi nouvelles technologies. Elle livre sa vision à l’aide d’imprimantes 3D, de fibre optique et de biomimétisme. Et ses pièces ressemblent à des œuvres d’art en mouvement. Son travail a d’ailleurs fait l’objet d’une exposition au Musée des Arts décoratifs en 2024.
Quand les stylistes empruntent aux artistes…
Si certains stylistes assument pleinement leurs ambitions d’artistes, d’autres le font de manière plus détournée. Et la mode a souvent puisé l’inspiration dans l’art.
Le cas le plus éclatant est sans doute la collection Yves Saint Laurent de 1963. Le styliste s’inspire de l’œuvre de Piet Mondrian pour imaginer une série de robes cocktail géométriques. Un geste fort, et la collection a immédiatement trouvé sa place dans l’histoire de la mode mondiale. Encore aujourd’hui, la collection Mondrian par Yves Saint Laurent est l’exemple réussi de vêtements qui flirtent avec l’art. Et ce choix créatif audacieux a contribué à consolider la place du styliste dans l’imaginaire collectif.
La digitalisation de la création abolit les frontières
En 2025, il semble que la frontière entre mode et art n’a jamais été aussi mince. En cause ? L’émergence des supports digitaux, aussi présents dans l’art que dans la mode.
Ainsi en 2023, la maison Balmain a imaginé une paire de sneakers Unicorn. Outre le design ultra graphique du modèle physique, les clients recevaient aussi une version NFT au moment de l’achat. Et dans l’univers du jeu vidéo, plusieurs maisons comme Ralph Lauren, Louis Vuitton ou Balenciaga ont lancé des « skins ». Ces vêtements virtuels, qu’on ne peut ni toucher ni porter « pour de vrai ».
Autant d’initiatives purement artistiques qui trouvent un écho dans le domaine de l’art. En effet, en 2024 avait proposé pour la première fois de son histoire une vente aux enchères hybride : Hacking Painting.
Vêtements et œuvres d’art se partagent désormais le même espace intangible. Mais alors, où commence l’un, où s’achève l’autre ?
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