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Alors que vient de s’achever la 72e édition de la plus glamour des compétitions cinématographiques, retour sur une quinzaine marquée par la qualité de la sélection, unanimement saluée, et une certaine nostalgie d’une époque où les smartphones ne régnaient pas en maîtres sur la Croisette.
Que reste-t-il de Cannes ? La question, véritable serpent de mer du milieu du cinéma, taraude comme chaque année festivaliers, journalistes et critiques du monde entier. La 72e édition du festival, qui s’est déroulée du 14 au 25 mai, n’a pas dérogé à la règle. Au-delà de la compétition à proprement parler, qui a vu s’opposer valeurs sûres – Ken Loach, les frères Dardenne, Pedro Almodovar, Quentin Tarantino, etc. – et nouveaux venus – Mati Diop, lauréate du Grand Prix avec Atlantique, Ladj Ly (Prix du jury) ou Jessica Hausner, réalisatrice de Little Joe – avant de consacrer Parasite, du Coréen Bong Joon-ho, le festival reste avant tout la vitrine mondiale de la beauté et du luxe.
Cannes, une vitrine pour les maisons de luxe
Des yachts alignés le long du port au défilé des limousines, des projections exclusives aux soirées endiablées, du Negresco au Martinez, c’est toute la Croisette qui, le temps de quelques journées survoltées, vibre à l’unisson. L’occasion, pour les stars confirmées et starlettes en devenir, de se montrer sous leur meilleur jour, en arborant les créations des plus grands couturiers. A l’image de Selena Gomez, en bustier signé Nicolas Ghesquière pour Louis Vuitton, Julianne Moore, en robe Dior vert émeraude – un choix parfaitement accordé à sa chevelure, qui n’est pas sans rappeler celui de Carole Bouquet en 2014 – ou encore de Marion Cotillard, et sa jupe bouffante Chanel Haute couture vintage.
La montée des marches est aussi le moment pour les joailliers et bijoutiers de faire briller leurs plus belles pièces. Et à ce jeu, c’est bien la maison Chopard qui semble tirer son épingle. Non contente de réaliser, depuis 1998, la Palme d’Or et l’ensemble des récompenses décernées lors de la cérémonie de clôture du festival, la célèbre maison de haute joaillerie suisse organise, depuis 2001, l’une des soirées les plus courues sur la Croisette : la soirée du Trophée Chopard, récompensant comme chaque année les révélations féminines et masculines de la sélection, et à laquelle se sont pressées des célébrités comme Joséphine Japy, Léa Seydoux, Clotilde Courau ou encore Marion Cotillard.
Un festival « qui tourne de plus en plus en circuit fermé »
Enfin, un Festival de Cannes ne serait rien sans sa dose de scandale – palme qui revient sans conteste, cette année, au sulfureux Mektoub My Love : Intermezzo, d’Abdellatif Kechiche – et de facéties, à l’image des pas de danse entamés sur l’air de la carioca par Alain Chabat et Gérard Darmond, à l’occasion des 25 ans du cultissime La Cité de la peur : de quoi ravir les fans. Avec la présence de stars comme Brad Pitt et Leonardo DiCaprio, les chasseurs d’autographes en ont eu aussi pour leur argent… et les collectionneurs de selfies également. Si l’omniprésence des smartphones permet au grand public de soulever un coin du voile sur les coulisses du festival, elle enferme aussi les festivaliers dans une sorte de prison virtuelle, dans laquelle chacun épie son voisin.
La folie légendaire des soirées cannoises et l’extravagance des comportements peuvent-ils survivre à un tel carcan ? S’il est de bon ton d’affirmer à qui veut l’entendre que « c’était mieux avant », cette 72e édition laissera bien un goût d’inachevé sur la Croisette, où se pressent de 60 à 70 000 visiteurs chaque année. Une affluence en trompe-l’oeil, comme le révèle cet article de France 3, selon lequel les commerçants et restaurateurs cannois tirent un bilan mitigé de l’évènement. « Dans le temps, (la fréquentation) triplait », regrette ainsi le président du syndicat des hôteliers, Michel Chevillon. « Ça fait trois ans maintenant qu’on voit beaucoup moins de monde », renchérit une commerçante.
« Moins de chic ostentatoire, moins de soirées privées. Un constat partagé par le syndicat des hôteliers (…), poursuit le site de France 3. Parallèlement, ou paradoxalement, l’engouement populaire n’est plus non plus ce qu’il était. « Le festival tourne de plus en plus en circuit fermé, sur le mode : toujours au même endroit aux mêmes heures, avec les mêmes personnes. Reste un grand événement culturel mais fermé au plus grand nombre. » (…) Révolution médiatique oblige, aujourd’hui le grand public ne voit plus grand’chose. Pour Michel Chevillon, cela fait deux axes de développement futur pour le festival : retrouver cette âme de grand événement populaire, et, de l’autre côté de l’échiquier, attirer à nouveau une clientèle select ». L’édition 2020 relèvera-t-elle le défi ?