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Pour la première fois depuis 1983, la maison Chanel fait entrer un directeur artistique venu de l’extérieur pour diriger son studio. Matthieu Blazy, né en 1984, incarne à lui seul le renouveau d’une maison dont la continuité artistique force l’admiration. Mais qui souligne aussi à quel point Chanel est une anomalie dans le paysage de la mode actuelle. La maison est demeurée farouchement indépendante. Elle n’est pas cotée en bourse. Et elle ne participe pas à la polarisation de l’industrie du luxe. Alors de quoi a-t-elle besoin avec son nouveau directeur de la création ? Nettement moins médiatisé que ne l’était Karl Lagerfeld, Matthieu Blazy ne sera pas l’ambassadeur de la maison. Beaucoup plus audacieux que Virginie Viard, il sera obligé de prendre des risques. À la veille de sa première collection chez Chanel, Les Carnets du Luxe vous proposent le portrait de Matthieu Blazy.
Un parcours façonné dans les coulisses des grandes maisons
C’est presque un profil de premier de la classe. Matthieu Blazy possède un CV que peu de créateurs peuvent revendiquer. Après ses études à la prestigieuse école La Cambre de Bruxelles, il débute sa carrière sous le parrainage de Raf Simons. Le styliste belge, hautement respecté, engage Blazy pour travailler sur ses collections masculines. Et cette collaboration marque le début d’une série de passages dans des maisons emblématiques.
En 2011, Matthieu Blazy rejoint Maison Margiela. Il travaille alors sur la collection Artisanal et sur les défilés de prêt-à-porter femmes. C’est là qu’il conçoit les masques incrustés portés par Kanye West lors de sa tournée Yeezus en 2013. Une alliance parfaite entre artisanat et expression artistique qui sonne déjà comme les fondamentaux du style Blazy.
En novembre 2014, il intègre l’équipe de Phoebe Philo chez Celine. Puis en août 2016, il rejoint Calvin Klein en tant que directeur du prêt-à-porter féminin. Il y retrouve Raf Simons, alors directeur artistique de la marque américaine.
Bottega Veneta : un styliste enfin au premier plan
Matthieu Blazy a cumulé une expérience rare et intime des rouages des grandes maisons. Et son parcours l’a naturellement conduit à prendre à son tour la direction d’une marque. Chez Bottega Veneta, il transforme l’identité de la maison italienne. Et il assume une approche à la fois maîtrisée et ludique. Ses silhouettes sont précises, mais jamais académiques. Et ses collections font subtilement dialoguer l’innovation créative et l’héritage patrimonial. Sa couture devient un terrain d’expérimentation, à l’image d’un jean entièrement confectionné en cuir. Un tour de force qui lui vaut les éloges de la presse spécialisée.
Rapidement, Matthieu Blazy impose un style personnel, avec une sensibilité aux textures et à l’art de la coupe qui rappelle l’excellence du savoir-faire italien. Mais son travail ne se limite pas à la technique. Il révèle aussi une dimension poétique, faite de sensualité subtile. Et le créateur démontre qu’il sait créer un luxe aussi intellectuel qu’émotionnel. Une signature rare qui explique que Chanel décide de lui confier le poste le plus envié dans l’industrie de la mode.
Un artisan sensible pour une maison singulière
Chanel n’est pas une maison comme les autres. Farouchement indépendante, elle refuse de jouer le jeu des tendances. Et elle continue de défendre une vision unique de la mode, incarnée par une silhouette sacrée et immédiatement reconnaissable. Les clientes Chanel n’ont pas connu l’alternance stylistique. Alors à l’heure du changement de direction artistique, elles attendent forcément une cohérence irréprochable. Une proposition qui respecte l’identité propre d’une maison dont la singularité ne s’est jamais diluée en 115 ans d’existence.
Pour Chanel, le choix d’un nouveau directeur artistique ne pouvait pas se limiter à un créateur talentueux. Et Matthieu Blazy possède un profil rare, capable de comprendre et de préserver la singularité de la maison. Sa sensibilité, son approche artisanale et sa créativité conceptuelle semblent taillées pour Chanel. Une maison dont l’équilibre a tenu toute l’année dernière, sans personne pour diriger le studio de création. Mais une marque qui doit à présent renouer avec un esprit de conquête.
Là où Virginie Viard a consolidé et illustré l’héritage de la maison, Blazy a le potentiel de le renouveler sans trahir son essence. La tension est palpable : il doit à la fois être fidèle et disruptif, conserver et surprendre. Mais son parcours, de Margiela à Bottega Veneta, montre qu’il possède l’intelligence créative et la maîtrise technique nécessaires pour relever ce défi.
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