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Ce samedi 25 octobre, la Fondation Cartier pour l’art contemporain inaugure ses nouveaux locaux place du Palais-Royal, en face du Louvre. Avec ce déménagement, la fondation se réinvente dans un nouvel espace signé Jean Nouvel. Mais l’ouverture de la nouvelle Fondation Cartier n’est pas seulement un événement culturel. Car en plus de quarante ans, ce programme novateur lancé par Cartier a contribué à définir le mécénat d’art tel qu’on le connaît de nos jours. A tel point que son influence a même inspiré d’autres groupes de luxe à créer, eux aussi, leurs fondations pour l’art contemporain.
1984 : Cartier innove avec sa Fondation pour l’art contemporain
C’est en 1984 que la Fondation Cartier pour l’art contemporain voit le jour sous l’impulsion d’Alain-Dominique Perrin, alors à la tête de Cartier. L’objectif ? Lier l’univers de la joaillerie de luxe à une ambition culturelle audacieuse. Et dans une époque où l’art contemporain peine encore à bien trouver sa place dans le paysage culturel et médiatique français, Cartier fait alors un choix risqué. C’est alors le premier programme de mécénat privé porté par une marque de luxe dans le domaine de l’art contemporain. Mais ce ne sera pas le dernier.
Au départ, la fondation est hébergée à Jouy-en-Josas, dans les Yvelines. Mais en 1994, elle emménage à Paris, boulevard Raspail. Pour cette entrée dans la capitale, Cartier confie son projet à l’architecte Jean Nouvel. Le nouveau bâtiment doit être complètement émancipé de toute référence au domaine commercial. Il doit s’imposer comme une référence, comme l’a été, vingt ans plus tôt, le Centre Pompidou lors de son ouverture en 1977.
Une institution engagée pour la culture
Lorsque la Fondation Cartier pour l’art contemporain prend ses quartiers parisiens en 1994, elle renouvelle son ambition d’être plus qu’un symbole. Cartier envisage sa fondation comme un espace d’exploration capable d’accueillir toutes les formes d’art : expositions, publications, conférences… Et la maison se pose alors clairement comme un acteur durable du champ culturel, plutôt que comme un simple sponsor. Et au fil des décennies, la Fondation Cartier devient un modèle de mécénat culturel dont la crédibilité n’est plus à démontrer.
Très tôt, la programmation fait la part belle aux techniques de création hybrides : les arts visuels, la création documentaire, mais aussi l’architecture. Elle concentre aussi ses efforts pour mieux faire connaître au public parisien des artistes internationaux. Ainsi, la fondation accueille par exemple en 2015 l’exposition Beauté Congo 1926-2015. Une exposition audacieuse qui retrace près d’un siècle de création pour donner à voir la richesse de l’art congolais. Avec un objectif clair : encourager les visiteurs à changer de regard sur l’art produit en Afrique.

Luxe et art contemporain : le dynamisme des fondations privées
Avec l’inauguration aujourd’hui du nouveau site de la Fondation Cartier, on mesure mieux à quel point le paysage culturel a évolué depuis les années 1980. En effet, sous l’influence de Cartier, d’autres maisons et groupes de luxe ont à leur tour investi le domaine de l’art contemporain. Et ils ont réussi à bâtir des démarches de mécénat structuré, qui participent pleinement au rayonnement artistique actuel de Paris.
En 2006, LVMH décide de s’engager dans un programme de mécénat dédié à la création contemporaine. C’est la naissance de la Fondation Louis Vuitton. Et en octobre 2014, la jeune fondation s’installe dans un bâtiment neuf, imaginé par l’architecte Frank Gehry.
Du côté de l’autre grand groupe de luxe français, Kering, c’est la famille Pinault, propriétaire du groupe, qui est à l’initiative d’une importante collection d’art contemporain. François Pinault a commencé à constituer sa collection dès les années 1980. Mais ce n’est qu’à partir du milieu des années 2000 qu’il la rend publique. Au départ présentée en Italie, la Collection Pinault est au départ un dispositif visant à exposer la collection familiale. Mais elle prend une autre dimension en mai 2021, avec son installation définitive à la Bourse du Commerce de Paris. Désormais ouvert au public, le lieu accueille la collection permanente de la famille Pinault. Mais il se positionne aussi comme soutien en faveur de la création actuelle.
Le mécénat artistique, un soft power du luxe français
La démarche de la Fondation Cartier est souvent citée comme une référence par sa précocité et sa liberté curatoriale. Mais c’est avant tout son indépendance qui a profondément bouleversé l’univers du luxe. Dès le départ, la Fondation pour l’art contemporain n’a joué aucun rôle publicitaire pour Cartier. Et encore aujourd’hui, son action ne relève pas du « coup marketing ». Cette volonté de s’inscrire dans un débat culturel global, sans opportunisme commercial, est devenu l’un des fondements du mécénat artistique dans le luxe français.
Ce qui n’empêche pas le mécénat artistique d’être désormais un levier stratégique de soft power pour les marques de luxe, et en particulier les maisons françaises. Cet engagement se décline non seulement en investissement financier, mais il prend aussi des formes plus concrètes pour devenir une partie intégrante du discours identitaire des marques.
Depuis 2013, Audemars Piguet est partenaire d’Art Basel. Et à chaque édition, l’horloger suisse commande des œuvres inédites à des artistes contemporains. Ces œuvres sont intégrées à la programmation de la foire, mais elles ont aussi la particularité de mettre à l’honneur des éléments de l’histoire d’Audemars Piguet, notamment avec des matériaux issus de la vallée de Joux, berceau de l’horloger.
Lorsqu’elle était à la tête de la maison Dior, la directrice créative Maria Grazia Chiuri a multiplié les collaborations avec des artistes féminines. Et elle a utilisé les installations et expositions d’art comme autant de manifestes en faveur du féminisme. Un moyen ludique d’exprimer ses convictions tout en instaurant un dialogue avec d’autres créatrices.
La Fondation Cartier n’a jamais tiré ce genre de trait d’union. Elle a préféré tracer un chemin singulier, résolument éloigné de ses racines de luxe. Pourtant, c’est bien ce parti pris radical qui a encouragé d’autres maisons à s’engager en faveur de la création. Et à ce titre, l’inauguration du nouveau bâtiment du Palais-Royal est un rappel du rôle durable joué par Cartier dans la redéfinition du paysage culturel parisien.
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