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Le retour en grâce des maisons de luxe italiennes entraîne dans son sillage un intérêt renouvelé pour le Made in Italy. Mais derrière cette aura de tradition et d’excellence, plusieurs affaires viennent depuis quelques mois ternir la réputation de cette prestigieuse étiquette. Dior et Loro Piana, pourtant piliers d’un artisanat réputé, ont été récemment citées dans des enquêtes autour des conditions de travail de leurs sous-traitants italiens. Face à cette mauvaise publicité, la filière de production monte au créneau. Et elle se mobilise pour faire la preuve de son exemplarité. L’enjeu n’est pas des moindres, car c’est sur le savoir-faire italien que repose une partie considérable du luxe mondial.
Un artisanat mondialement convoité, et de plus en plus sous pression
L’étiquette Made in Italy jouit d’un prestige intact auprès des consommateurs, notamment dans le luxe. Et c’est tout simplement parce qu’elle renvoie à un imaginaire puissant. Celui d’un artisanat d’excellence, d’un luxe discret mais sûr de lui, enraciné dans des savoir-faire transmis de génération en génération.
Mais cet imaginaire entre de plus en plus en tension avec la réalité du marché du luxe. Car comme le rappelait récemment Renzo Rosso, le président du groupe de luxe OTB : « L’Italie produit environ 80% des produits de luxe dans le monde ». Derrière les vitrines de luxe, ce sont des milliers d’ateliers, d’artisans et de couturiers italiens qui assurent l’essentiel de la production mondiale.
Et c’est là que réside la problématique actuelle. Le système de production repose en grande partie sur un tissu de PME familiales et de micro-entreprises, souvent invisibles, parfois fragiles. Et pas toujours soumises à un contrôle rigoureux. Dans ce contexte, les marques de luxe sous-traitent parfois à plusieurs niveaux, ce qui rend difficile de tracer toute la chaine de production.
Dior, Loro Piana : le savoir-faire italien victime d’abus
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les récentes affaires qui ont secoué l’univers du luxe italien. Une affaire judiciaire a cité la maison Dior à cause de ses sous-traitants italiens. La justice italienne a ainsi questionné les conditions de travail dans les ateliers. La maison française a finalement été exonérée de toute responsabilité directe. Mais l’affaire a temporairement entaché son image. En parallèle, c’est Loro Piana, une autre maison du groupe LVMH, qui est sous le feu des critiques pour des accusations similaires.
Ces deux affaires illustrent la problématique actuelle autour du savoir-faire italien. Comment concilier un contrôle rigoureux de toute la chaine d’approvisionnement alors que les volumes de production ne font qu’augmenter ? L’essor du marché mondial du luxe est-il en train de détruire l’artisanat italien ?
Le gouvernement italien se mobilise pour défendre le savoir-faire local
Face à ces récents scandales, le gouvernement italien tente de reprendre la main. Adolfo Urso, le ministre des entreprises et du Made in Italy, a annoncé mi-juillet la mise en place prochaine d’un système de certification. Ce projet vise à valoriser les entreprises vertueuses, qui respectent les normes sociales, environnementales et de qualité. Mais c’est aussi une manière d’identifier plus clairement celles qui trahissent les valeurs de la confection italienne.
Déjà en début d’année, Urso avait rencontré François-Henri Pinault, le PDG de Kering, pour discuter de la consolidation de la chaîne de production du luxe italien. Un sujet qui intéresse fortement le groupe de luxe français, dont les maisons phares (Gucci, Bottega Veneta) sont italiennes. Par ailleurs, le gouvernement italien a annoncé un investissement de 250 millions d’euros pour soutenir le développement du secteur de la mode locale.
Faire rayonner le patrimoine artisanal, mais pas à n’importe quel prix
Le Made in Italy n’a jamais autant fasciné. Et cet enthousiasme se matérialise très concrètement dans les ventes des maisons de luxe. Mais cette attractivité met l’artisanat local sous pression. Et l’aura du luxe italien intéresse désormais des acteurs de tous horizons. Ce qui renforce encore plus l’urgence de la situation.
Dernière illustration en date : Nike. Fin juillet, l’équipementier américain a dévoilé sa nouvelle paire de crampons Tiempo. Sa particularité ? Elle est entièrement fabriquée à la main, cousue par des artisans des ateliers de Montebelluna. Cette ville de Vénétie est le haut lieu historique de la chaussure de luxe. Un clin d’œil appuyé à l’artisanat italien, avec à la clé la valorisation marketing d’un geste artisanal devenu rare, notamment dans l’industrie du sport.
La volonté de contrôle du gouvernement italien se heurte donc à une réalité. La fabrication italienne reste une référence mondiale. Mais elle repose sur un artisanat plus sollicité que jamais. Et pour protéger le savoir-faire local, l’Italie va devoir trouver un équilibre entre croissance industrielle et respect des valeurs artisanales.