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La Cinquième avenue, à l’aube. Audrey Hepburn sort d’un taxi et, un croissant à la main, regarde les vitrines de la célèbre maison de bijoux Tiffany. Chacun aura reconnu la scène d’ouverture, devenue mythique, de Breakfast at Tiffany’s, en français Diamants sur canapé, le film à succès de Blake Edwards inspiré d’une nouvelle de Truman Capote et sorti en 1961. Presque soixante ans plus tard, on reparle du joaillier new-yorkais. Officiellement, la maison, qui a presque deux siècles d’histoire, n’est pas en vente. Elle fait cependant l’objet d’une « offre de rachat non sollicitée », de la part du groupe français LVMH.
Le groupe de Bernard Arnault regarde avec concupiscence les performances de son rival suisse Richemont, propriétaire à la fois de Van Cleef et Arpels et de Cartier, premier joaillier au monde par l’activité. Le deuxième est… Tiffany. D’où l’initiative française, dont la visée est aussi symbolique que pragmatique. Ce n’est pas un coup d’essai, puisque LVMH avait racheté Bulgari en 2011, pour 4 milliards d’euros. Et l’actuel PDG de Tiffany, Alessandro Bogliolo, n’est autre qu’un ancien de Bulgari, ce qui n’est sans doute pas un hasard.
L’investissement, toutefois, n’est pas du même ordre. Pour racheter l’ensemble des actions, Arnault a dû faire une offre de 14,5 milliards de dollars (environ 13 milliards d’euros), un montant jamais atteint depuis la création du groupe. Si Tiffany ne connaît pas de progression spectaculaire, sa situation est saine, avec un chiffre d’affaires de 4,4 milliards de dollars l’an dernier. La vénérable maison n’a donc aucune raison de se livrer à bon compte, et il est probable qu’elle fera tout pour obliger le géant européen du luxe à aller plus loin.
Vue de Paris, l’opération a sa logique. Malgré une boutique sur les Champs-Élysées, Tiffany a ici plus de notoriété chez les cinéphiles que chez les acheteurs ! Sa marge de progression est donc a priori importante. Et il ne serait pas très difficile de persuader les élégantes en quête du raffinement français que, pour new-yorkaise qu’elle soit, la marque n’est pas sans lien avec le meilleur de la tradition continentale.
Qui donc en effet a dessiné les robes d’Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé ? Qui sinon le couturier fétiche de la star, devenu son ami très cher : Hubert de Givenchy ? Et qui a repris la griffe et l’activité de Givenchy sinon LVMH ? Deux excellences, de joaillerie et de couture, se retrouveraient ainsi à la ville après s’être apprivoisées à l’écran…