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L’arrivée de Shein au BHV Marais à Paris ne se limite pas à l’ouverture d’un magasin. Elle provoque une onde de choc sans précédent dans l’industrie de la mode française. Ainsi la Fédération Française du Prêt-à-Porter féminin vient de porter plainte aux côtés de plus de cent marques. Et en parallèle, plusieurs maisons de luxe ont déjà quitté le grand magasin parisien. Cette mobilisation inhabituelle révèle un front commun entre le prêt-à-porter grand public et le secteur du luxe. Deux acteurs qui entendent bien dénoncer des pratiques jugées illégales et dangereuses chez Shein.
Une plainte historique du prêt-à-porter français contre Shein
Le 19 novembre 2025, la Fédération Française du Prêt-à-Porter féminin (FFPPF), présidée par Yann Rivoallan, a déposé une plainte d’envergure contre Shein. C’est une première dans l’histoire du commerce en France. Aux côtés de 12 fédérations, représentant plus de 63 entreprises et une centaine de marques grand public, l’action vise à faire reconnaître un préjudice économique massif. Et l’enjeu est aussi de faire cesser des pratiques jugées anticoncurrentielles.
Parmi les accusations :
- une captation illégale de données personnelles, déjà sanctionnée par la CNIL selon le communiqué de la fédération
- des publicités mensongères et stratégies commerciales agressives, pour lesquelles Shein a déjà écopé d’une amende de 40 millions d’euros en juillet 2025, prononcée par la DGCCRF
- une inondation du marché avec des produits non conformes : selon la FFPPF, 80 % des articles contrôlés récemment par les douanes seraient hors normes
Le but de la plainte est double. Il s’agit d’abord d’obtenir des dommages et intérêts proportionnés au préjudice subi depuis cinq ans. Et aussi de contraindre Shein à abandonner immédiatement ce qu’elles qualifient de concurrence déloyale. Parmi les marques engagées : Coopérative U, Monoprix, Besson Chaussures, Grain de Malice, Promod, et bien d’autres.
Cette mobilisation s’inscrit dans un cadre plus large : la France et d’autres États européens intensifient la régulation des plateformes e-commerce, comme le montre l’action coordonnée lancée par la Commission européenne en mai 2025.
Le luxe quitte aussi le BHV Marais
L’autre volet de cette crise éclate dans le grand magasin BHV Marais. Et il concerne les marques de luxe et autres marques premium. En effet, plusieurs d’entre elles ont décidé de quitter le navire depuis l’arrivée de Shein. L’objectif ? Elles comptent bien marquer clairement leur désaccord. Ainsi, des maisons comme Dior, Guerlain et des enseignes du groupe SMCP (Sandro, Maje…) ont déjà fermé leurs corners au BHV.
Ce retrait massif traduit un malaise profond. Car plusieurs marques dénoncent non seulement le modèle économique de Shein, mais aussi la philosophie du partenariat avec le BHV, grand magasin historique de Paris. Certains évoquent des arriérés de paiement, mais beaucoup soulignent que la présence de Shein a été le déclencheur principal de leur décision.
Un soutien plus discret de la part du luxe, mais d’importants enjeux économiques
Ainsi, même si les marques de luxe ne s’alignent pas formellement sur la plainte déposée par la fédération du prêt-à-porter, leur retrait agit comme un geste symbolique puissant. Elles prennent leurs distances, et discréditent de fait le projet Shein au BHV. Il faut comprendre leur position dans un contexte plus large. Pour ces maisons, la lutte contre les contrefaçons est cruciale. Et elles voient dans la plateforme chinoise non seulement une concurrence déloyale, mais aussi un canal où leurs modèles iconiques peuvent être copiés et vendus illégalement.
Enfin, la pression réglementaire française renforce cette convergence d’intérêt. Alors que le gouvernement multiplie les enquêtes et inspections (notamment douanières), Shein fait face à des accusations d’articles dangereux et de contenus illicites. L’affaire du BHV sert donc de catalyseurs à plusieurs problématiques de la filière de l’habillement. Et il ne s’agit, vraisemblablement, que des prémices d’une refonte du paysage économique de la mode.
Pour aller plus loin, consultez notre dossier spécial et les analyses de nos experts :
- Shein au BHV : pourquoi l’affaire concerne aussi le luxe – Interview de l’avocate Vanessa Bouchara
- Shein au BHV : le luxe et la mode française doivent reprendre le pouvoir du temps
- Faux Birkin chez Walmart : 2025, l’année du danger pour le luxe
- Journée mondiale anti-contrefaçon : comment le luxe doit-il se protéger ?
