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La nouvelle inattendue est tombée aujourd’hui : Olivier Rousteing, le directeur artistique de Balmain, quitte la maison parisienne. L’annonce a été faite dans un contexte de turbulences pour la marque. Cette année, Balmain célébrait en effet ses 80 ans. Et Olivier Rousteing a été le chef d’orchestre d’une année de communication axée sur la continuité. Mais Balmain encaisse aussi un recul de ses ventes. Une question se pose désormais : comment le groupe Mayhoola, propriétaire de la maison, va-t-il relancer les ventes sans Olivier Rousteing, qui était l’artisan de la renaissance de Balmain ?
Balmain se sépare d’Olivier Rousteing
« Balmain et son directeur créatif Olivier Rousteing annoncent la fin de leur collaboration. » La tournure est simple, factuelle, sans fioriture. Bien loin du style d’une maison connue pour son esthétique flamboyante. Rachid Mohamed Rachid, le CEO du groupe Mayhoola propriétaire de Balmain, s’est dit « sincèrement reconnaissant » envers « l’extraordinaire contribution » d’Olivier Rousteing. Et il a notamment loué son leadership visionnaire, sa créativité audacieuse ainsi que son engagement pour l’inclusivité. De son côté, Matteo Sgarbossa, CEO de Balmain depuis avril 2024, a également rendu hommage à la contribution et la passion de Rousteing, qui auront laissé une « empreinte indélébile dans l’histoire de la mode ».
Olivier Rousteing lui-même s’est dit profondément fier du chemin parcouru à la tête de la maison. Il a notamment remercié l’équipe qui l’a accompagné pendant les quatorze années de son mandat à la tête de Balmain.
Pourtant, au-delà de la tonalité polie, le communiqué officiel peine à masquer l’état de crise dans lequel se trouve la maison. Et malgré les remerciements, ce départ sonne bel et bien comme un limogeage. Dans les faits, les ventes de Balmain sont en chute libre. Et la maison n’a aucune visibilité stratégique. Son avenir est particulièrement incertain. D’ailleurs, le communique précise qu’une « nouvelle organisation créative pour la maison sera annoncée en temps utile ». Mais sans plus de précisions.

Olivier Rousteing chez Balmain : un parcours hors norme
Quand il est entré dans la maison Balmain, Olivier Rousteing était encore un inconnu. Et rien ne laissait présager que le jeune styliste français allait rendre à la vielle maison parisienne sa gloire d’antan. Il n’a que 26 ans quand on lui confie le poste de directeur artistique, laissé vaquant par le départ Christophe Decarnin. Rousteing, alors responsable des collections femmes, monte en grade. Il reprend l’esthétique ultra-glamour instaurée par Decarnin, mais en la transformant. Balmain devient plus inclusive, multiculturelle et elle affirme un esprit pop tout en capitalisant sur les codes de la couture parisienne historique.
Rousteing incarne alors un renouveau générationnel. Très tôt, il jette les bases de la Balmain Army : une communauté engagée autour de la marque. Et il structure notamment cette fanbase sur les réseaux sociaux. Le jeune créateur refuse la nostalgie. Il mêle la fidélité au savoir-faire artisanal à une communication ultra-visible, multiplie les collaborations avec des célébrités, et jouit bientôt d’une forte médiatisation.
Son approche inclusive devient la signature de sa direction artistique. Et il impose un nouveau modèle de pertinence culturelle pour les maisons parisiennes, qui se font alors déborder par les marques américaines sur ces sujets. Premier créateur noir à la tête d’une grande maison parisienne, Olivier Rousteing marque aussi l’histoire du luxe par sa visibilité et son engagement pour la diversité.
Les ventes sont au rendez-vous. Balmain connait une croissance très forte. Et la maison se diversifie en développant les univers de maroquinerie, de beauté et de parfumerie. Le tout sous la houlette d’Olivier Rousteing, véritable ambassadeur de Balmain dans le monde.

Pression financière : le repositionnement stratégique manqué de Balmain
Alors comment expliquer le départ soudain d’Olivier Rousteing d’une maison dont il a assuré le succès ? Tout simplement parce que, depuis 2022, la machine Balmain est grippée.
D’après LaConceria, Balmain aurait vu son chiffre d’affaires chuter de -25% entre 2023 et 2024, passant de 266 M€ à 200 M€. Une réduction très lourde pour une marque de luxe portée par la croissance. En parallèle, le même article mentionne des pertes cumulées et des injections de cash répétées par Mayhoola pour soutenir la maison à travers des avances et des prêts pour soutenir l’activité. Dans un tel contexte, Balmain était condamnée à redresser la barre en 2025. Ce qui n’a finalement pas été le cas.
De son côté, Olivier Rousteing a tout tenté pour redresser la barre. Il a notamment essayé d’élargir les leviers de revenus de Balmain, notamment via la maroquinerie. Ainsi, le défilé Continuum lors de la dernière Fashion Week de Paris mettait l’accent sur les sacs pour une visibilité produit maximale.
Rousteing a également exploré l’offre de parfumerie et de beauté pour améliorer la performance financière de Balmain. En parallèle, il a effectué un virage esthétique fort depuis le début d’année 2025. Moins d’ostentation baroque, plus de sophistication épurée, peaufinage des volumes et matériaux. Il a livré une adaptation au quiet luxury pour proposer une mode moins spectaculaire et plus mature. Cette tentative de réponse aux attentes du marché n’aura toutefois pas été suffisante.

L’économie du luxe, prise en otage par les tendances de la mode ?
Le style d’Olivier Rousteing, à la fois spectaculaire et très identifiable, a incontestablement construit l’image contemporaine de Balmain. Mais dans le contexte actuel, les investisseurs financiers scrutent les coûts de production, les marges, la distribution globale, et un tel style semble désormais trop risqué. C’est un paradoxe : le style Rousteing est très fort en visibilité, mais potentiellement trop polarisant pour séduire les marchés émergents ou conservateurs.
Mayhoola, pressé par l’urgence des résultats financiers négatifs, doit donc sacrifier aujourd’hui la figure emblématique qui a bâti la performance de Balmain. Car le contexte a changé, et la tendance d’un luxe plus discret s’oppose trop frontalement avec le style de la maison. Ce départ ouvre la porte à un nécessairement repositionnement esthétique, moins risqué et potentiellement mieux aligné avec les exigences de rentabilité du groupe Mayhoola.

Quel avenir pour Balmain sans Olivier Rousteing ?
Sans Olivier Rousteing, Balmain perd l’un de ses principaux atouts. Sa visibilité médiatique, son capital de marque très associé à une personnalité forte, son lien émotionnel avec la Balmain Army et sa capacité à incarner un storytelling flamboyant ne seront pas facilement remplaçables.
2025 marque un tournant dangereux pour les maisons de luxe. Car leurs groupes propriétaires doivent à présent effectuer des arbitrages radicaux. Leurs impératifs business : se recentrer sur les maisons à fort potentiel, couper les coûts, vendre ou réorganiser les divisions moins performantes. On pense évidemment à Kering qui a récemment vendu sa division beauté à L’Oréal. Ou bien à LVMH qui cherche à se séparer de Marc Jacobs.
Mayhoola devra trouver un nouveau talent pour aider Balmain à traverser la tempête. Sous peine de connaître un sort comparable à Lanvin, qui n’a jamais réussi à rebondir après Alber Elbaz. Ou pire, voir son activité couture disparaître, comme celle de Rochas qui a définitivement fermé ses portes en septembre dernier.
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