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Plus tôt dans la journée, Dior a présenté le défilé printemps-été 2026 signé Jonathan Anderson. Son premier dans la maison pour une collection féminine. Après sa première collection masculine en juin dernier, le créateur irlandais va-t-il réitérer le même succès critique ? Le défi n’est pas facile à relever, car les enjeux sont radicalement différents. Et LVMH attend de Jonathan Anderson qu’il réinscrive Dior dans la conversation culturelle. Or Dior ne sera pas une maison aussi facile à manœuvrer que Loewe, chez qui Anderson a fait des étincelles. Comment faire basculer la couture dans la sphère culturelle sans perdre en pertinence commerciale ? Ce premier défilé féminin doit apporter des éléments de réponse.
Conjuguer héritage couture et radicalité conceptuelle
Dès ses premières silhouettes, Jonathan Anderson ancre son discours dans les codes de Dior. Le nœud, la cape et la robe boule rappellent le riche passé de la maison. Mais le styliste les réinterprète à sa manière, en volumes exagérés et avec des formes sculpturales.
Ainsi, une robe blanche courte à nœud exagéré ouvre le défilé. Un tailleur jupe aux proportions revisitées et à la coupe extra courte détourne la silhouette Bar iconique. Les capes théâtrales se marient au pantalon en jean. Elles convoquent l’histoire Dior pour mieux la distordre à grand renfort de modernité.
Le résultat ? Une collection qui brouille volontairement les lignes entre héritage couture et art contemporain. Donc une vision fidèle à l’approche intellectuelle de Jonathan Anderson.
Du discours féministe au dialogue culturel
Sous Maria Grazia Chiuri, Dior s’était affirmée comme une maison porteuse d’un message féministe. Et la Galerie Dior avait d’ailleurs été mise à contribution lors de l’exposition We Should All Be Feminists. Mais le contexte a changé. En 2025, les maisons de luxe sont devenues plus prudentes dans leurs prises de parole. Et on assiste à un glissement de terrain manifeste. D’un luxe en quête de sens, nous sommes passés à un luxe en quête d’appartenance culturelle. Une distinction qui se retrouve dans le changement de cap de Dior.
Car la sphère culturelle, c’est précisément le terrain sur lequel Anderson excelle. Il cultive une aura artistique forte. Il se définit lui-même comme un « curateur » de l’héritage Dior. Et il aborde la maison parisienne avec ce même goût de l’expérimentation esthétique qui a fait son succès chez Loewe. Au mépris des racines de Dior ? La maison de l’avenue Montaigne est un symbole d’élégance intemporelle. Mais a-t-elle vraiment les armes pour lutter sur le créneau de l’avant-garde ?
Un coup de jeune esthétique et un enjeu commercial
Pour rester pertinente, la maison Dior ne peut pas se permettre de se laisser dépasser par le dialogue culturel actuel. Et elle doit se repositionner pour y prendre part de manière active. C’est désormais un levier de désirabilité pour toutes les marques de luxe. Et le pari tient à un enjeu bien précis : le jeunes acheteurs.
La clientèle du luxe en 2025 est en pleine recomposition. Plus jeune, plus globale, plus sensible à l’expérimentation qu’aux slogans. Jonathan Anderson a pour mission de s’adresser à elle. Chez Loewe, il a prouvé sa capacité à proposer des collections qui entrent en résonance avec les attentes de la jeunesse. Il a également réussi à faire de son propre label, JW Anderson, une marque de référence. Avec Dior, sa stratégie de repositionnement culturel peut s’appuyer sur un savoir-faire couture unique. Mais pour réussir son pari, il devra prendre garde à ne pas brouiller l’ADN Dior auprès d’une clientèle plus classique. Entre héritage patrimonial et réinvention culturelle, Dior joue donc une partie décisive pour séduire la nouvelle génération sans perdre ce qui fait son âme.
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