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Pour sa première collection à la tête de Bottega Veneta, Louise Trotter n’a pas tremblé. Et l’invitation au défilé démontrait déjà les ambitions créatives portées par la styliste britannique. Un panneau de cuir d’un seul tenant, découpé pour se déplier en révélant un sac cabas façon filet rétro. Une véritable déclaration d’intention esthétique. Le samedi 27 septembre, Louise Trotter a étoffé son propos avec la collection printemps-été 2026 de Bottega Veneta. Tandis que Gucci, l’autre grande maison italienne de Kering, présentait la première collection de Demna, Bottega Veneta n’a pas fait profil bas. Et Louise Trotter a démontré sa volonté de porter de grandes ambitions pour la maison dont elle a désormais la charge.
Héritage et rupture : le nouveau Bottega Veneta
La collection s’ouvre sur un manteau d’inspiration masculine. Noir, ample et structuré, il se porte comme une armure fonctionnelle. La collection se construit ensuite dans un jeu de contrastes. Une robe ivoire aux épaules dénudées brouille la frontière entre sensualité et pragmatisme. Un top en cuir aux reflets métalliques dialogue avec un pantalon fluide. Mais Louise Trotter ne s’interdit pas non plus des silhouettes plus radicales. Elle explore les volumes avec une cape sombre aux lignes presque monastiques. Elle joue avec les textures dans une imitation de fourrures aériennes. Et elle appose une chemise stricte sur une jupe asymétrique.
Avec cette première collection Bottega Veneta, Louise Trotter installe un vocabulaire centré sur la coupe, la superposition et la tension entre rigueur et fluidité. Là où Matthieu Blazy avait de la maison italienne une célébration tactile avec ses jeux de trompe-l’oeil, la créatrice préfère une écriture plus fonctionnelle. Et elle démontre une solide vision de l’art de l’épure.
L’intrecciato : le savoir-faire Bottega Veneta honoré sans outrance
C’est évidemment un élément esthétique attendu. Et il fallait bien présenter l’intrecciato, qui est la marque de fabrique de Bottega Veneta. Ici, il n’est pourtant pas convoqué frontalement. Car Louise Trotter préfère le travailler de façon subtile. Elle suggère le tressage par des jeux de textures, des découpes géométriques et des constructions qui privilégient la subtilité au spectaculaire.
C’est avec brio que la styliste britannique tire parti de l’héritage artisanal de Bottega Veneta. Elle propose une vision qui prolonge le style insufflé par Matthieu Blazy, mais en se l’appropriant. Elle revendique l’idée d’un artisanat élégant mais sans outrance. Un vestiaire qui préfère la retenue, sans pour autant appauvrir le style.
Louise Trotter, le bon profil créatif pour Kering
Si ce défilé printemps-été 2026 de Louise Trotter chez Bottega Veneta est une réussite, c’est aussi et avant tout parce que le casting était réussi. En effet, son arrivée à la tête de la maison italienne n’a rien d’un hasard. Et Kering a su trouver un talent à la mesure des ambitions de la marque pour succéder à Matthieu Blazy, parti pour diriger Chanel.
Avant Milan, Louise Trotter s’était fait remarquer comme directrice artistique de Lacoste. Pour la marque française, elle avait réussi à insuffler un esprit mode à l’univers très sportswear de la marque au crocodile. Chez Joseph, elle a ensuite consolidé une identité moderne et sobre, résolument dans l’air du temps.
Peu médiatisée, la styliste britannique diplômée de la Central Saint Martins a toujours revendiqué une approche du vêtement centrée sur la coupe et le confort. Une exigence qui a attiré Kering. Au point de lui confier l’une des maisons les plus importantes du groupe de luxe français. Le mandat de Louise Trotter à la tête de Bottega Veneta est clair. Elle devra donner de la consistance à une maison en forte croissance. Et pour y parvenir, il lui faudra trouver le juste équilibre entre luxe discret et mode sophistiquée. Un défi d’autant plus grand que Bottega Veneta doit poursuivre sa conquête à l’international pour traverser la crise actuelle du luxe.
Face à Gucci et Saint Laurent, Bottega Veneta ne peut pas rester « la petite sœur«
L’année 2025 est celle de la remise en question dans le portefeuille de marques de Kering. Gucci est en pleine réinvention. Et la première collection signée Demna suscite déjà l’enthousiasme. Chez Saint Laurent, Anthony Vaccarello a réussi à s’imposer comme l’un des stylistes de référence de sa génération. Alors face à la « gucciness » et à l’aura parisienne mythique, Bottega Veneta doit sortir ses muscles. Plus silencieuse, plus modeste et très raffinée, la maison italienne a pourtant des arguments à faire valoir. A commencer par ses très bons résultats financiers de ces dernières années. Et pour poursuivre sur sa lancée, la maison devra garder son cap stratégie. Un luxe d’initiés, reconnaissable à son artisanat et l’exigence de ses coupes plutôt qu’à son logo.
Pourtant, ce positionnement stratégique n’est pas sans risque. Sur le créneau du « quiet luxury », Bottega Veneta doit affronter Hermès, Loro Piana, Brunello Cucinelli, voire l’outsider américain The Row. La force de la maison réside dans sa tradition artisanale et son savoir-faire autour du cuir. Mais elle doit éviter l’écueil d’un minimalisme trop froid.
Avec une première collection sous le signe de la rigueur et de la retenue, Louise Trotter prouve sa capacité à relever le défi. Et elle démontre que Bottega Veneta peut tenir tête aux plus grandes maisons en capitalisant sur son ancrage artisanal.
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