En 1965, un vent d’audace souffle sur la haute couture parisienne. Yves Saint Laurent, alors âgé de seulement 29 ans, présente une collection qui va marquer l’histoire : six robes droites inspirées des toiles abstraites de Piet Mondrian. Ce geste créatif, simple en apparence, allait pourtant bouleverser à la fois l’univers de la mode et celui de l’art.
Un hommage vibrant à l’art moderne
Saint Laurent n’a jamais caché son admiration pour les peintres modernes. Mais avec Mondrian, il franchit un pas inédit. Il transpose directement le langage pictural sur le vêtement. Ses robes cocktail, aux lignes épurées, reprennent les aplats de couleur primaire encadrés de noir, signature du peintre néerlandais. Loin d’être de simples impressions textiles, ces compositions sont intégrées au patronage même des robes, nécessitant une précision technique remarquable.
En choisissant ce modèle, Saint Laurent rend un hommage sincère à l’art abstrait tout en démontrant que la mode peut être une toile vivante. Le corps devient alors support, et le vêtement, une œuvre d’art en mouvement.
Une collection manifeste
Dans les années soixante, la couture s’interroge sur son rôle face à l’essor du prêt-à-porter. Et les robes Mondrian se positionnent en livrant la vision du couturier. Non, la mode ne se réduit pas à l’utilitaire. Elle est un langage artistique à part entière. Cette collection devient rapidement un manifeste de modernité, un plaidoyer pour une mode cultivée et ambitieuse.
Le succès est immédiat : les robes font la une de Vogue Paris en septembre 1965 et s’imposent comme des icônes culturelles. Leur graphisme épuré séduit autant les amateurs d’art que les passionnés de mode. Pour la première fois, une collection couture parvient à dialoguer avec l’avant-garde artistique et à s’inscrire dans l’imaginaire collectif mondial.

Un héritage durable
Pour l’anecdote, la collection Saint Laurent était en fait la seconde à s’inspirer de Mondrian. Car dès les années 1930, Lola Prusac chez Hermès avait proposé sa propre version de sacs en référence à l’artiste.
Mais près de soixante ans plus tard, c’est bien la collection Mondrian de Saint Laurent qui demeure la référence ultime. Elle a ouvert la voie à une longue histoire de dialogues entre mode et art, inspirant d’innombrables créateurs. Bien plus qu’un simple clin d’œil esthétique, elle incarne l’idée que la mode peut s’élever au rang des arts majeurs.
Yves Saint Laurent lui-même exprimait cette conviction en déclarant : « Mondrian, c’est la pureté, et l’on ne peut aller plus loin dans la pureté picturale. (…) Le chef-d’œuvre du XXᵉ siècle, c’est un Mondrian. »
Avec cette affirmation, il scellait l’idée que la mode pouvait dialoguer d’égal à égal avec l’art moderne, et même en devenir l’un de ses plus éclatants prolongements.
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