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L’édition 2025 de SWAIA vient de se refermer. Un an après le défilé Balmain, de quelle manière l’engagement de la maison française a impacté le paysage du luxe ? La question des liens entre mode et reconnaissance du pluralisme culturel est plus cruciale que jamais. Les maisons aiment à cultiver une aura artistique. Elles veulent aussi séduire de jeunes consommateurs en quête de richesse culturelle. Un public pour lequel l’authenticité et la question de l’identité sont au coeur de leurs préoccupations. Pourtant, les initiatives des maisons depuis un an prouvent que le luxe européen est encore largement en retard sur ces sujets. Pire : le récent bad buzz Prada prouve que la clientèle de luxe s’oppose à toute suspicion d’appropriation culturelle.
Balmain, figure de proue d’un luxe engagé pour le pluralisme culturel
Balmain a marqué un tournant historique en devenant la première maison de luxe européenne à défiler lors du SWAIA 2024, le Santa Fe Indian Market. Le défilé, préparé avec l’artiste autochtone Kent Monkman, ne se limitait pas à une exposition de silhouettes. C’était une véritable déclaration culturelle. Monkman est connu pour sa capacité à revisiter l’histoire amérindienne avec audace et ironie. Et il a apporté une dimension narrative et identitaire aux créations de Balmain. Grâce à ce partenariat, Balmain a fait de son défilé un manifeste sur l’importance de la reconnaissance culturelle.
Ce signal fort a eu un double impact. Car d’une part, il a montré que le luxe pouvait s’engager de manière créative et respectueuse avec des cultures historiquement marginalisées. Et d’autre part, il a ouvert la voie à une réflexion sur le rôle des maisons dans la valorisation des identités culturelles. Une vision qui va bien au-delà du simple folklore esthétique. Balmain a prouvé qu’un défilé peut devenir un acte politique autant qu’artistique. Et la maison a consolidé sa place de leader d’une mode engagée sur le sujet de l’identité.
Luxe et culture en 2025 : un engagement ciblé… mais loin d’être homogène
Mais depuis un an, le paysage reste contrasté. Les maisons européennes multiplient les projets de mécénat pour la culture européenne traditionnelle. Mais ailleurs dans le monde, leur engagement est moins cohérent. Ainsi en Asie, des initiatives remarquables émergent. Les marques françaises investissent notamment dans la valorisation du patrimoine chinois, un marché crucial pour elles.
Mais hors de ces zones géographiques, les efforts restent rares et peu médiatisés. L’exemple de Chanel à Dakar illustre bien cette limite. En janvier 2023, la maison avait temporairement installé une antenne du 19M à Dakar. Mais depuis, les liens entre Chanel et l’Afrique n’ont pas fait l’objet d’autres projets.
Cette fracture géographique traduit un problème plus large. Si le luxe veut séduire des consommateurs en quête de diversité culturelle, il doit dépasser la simple logique de mécénat ciblé. Et il doit développer des programmes à la fois cohérents et respectueux dans toutes les régions du monde.
À quand un vrai pluralisme culturel dans le luxe ?
Cette année 2025 semblait promettre un tournant. Car les maisons européennes veulent progresser sur le terrain du pluralisme culturel. Mais elles rencontrent encore de nombreux obstacles. Et surtout, leurs stratégies ne sont pas toujours à la hauteur des attentes de leur clientèle.
Ainsi le dernier défilé Vuitton Hommes, orchestré par Pharrell Williams, a mis l’Inde à l’honneur. La collection a dévoilé des motifs traditionnels et des silhouettes inspirées du voyage. Une démarche intéressante, qui célèbre la richesse culturelle et l’histoire de l’artisanat indien. Pourtant, ce qui a véritablement légitimé la collection, c’est la figure de Pharrell lui-même. Le créateur est un artiste emblématique des minorités ethniques et l’incarnation du pluralisme culturel. La marque, en revanche, peine encore à s’approprier cette aura en tant que maison. Ce qui démontre bien que la culture ne se résume pas à un motif sur une malle en cuir.
Prada, de son côté, a suscité une levée de boucliers. La polémique autour des sandales indiennes en 2025 a rappelé les risques d’une appropriation perçue. La marque italienne, critiquée pour avoir utilisé un symbole culturel sans dialogue préalable avec les communautés concernées, a dû corriger sa démarche, montrant que le public de luxe ne tolère plus l’absence de respect et d’authenticité dans l’usage des cultures.
Ces exemples montrent que le chemin vers un véritable pluralisme culturel dans le luxe reste complexe et semé d’embûches. Les jeunes consommateurs recherchent des engagements sincères, des collaborations authentiques et une narration culturelle qui dépasse le simple marketing.